mercredi 5 décembre 2012

Les pôles de compétitivité doivent devenir plus compétitifs


Le gouvernement veut tirer les leçons des faiblesses observées pour rendre les pôles plus efficaces dans les trois années à venir.

Relancer la compétitivité française. En quelques mois, cet impératif s'est imposé comme la priorité économique numéro un du gouvernement. Paradoxalement, l'annonce faite le 6 novembre d'un crédit d'impôt de 20 milliards d'euros pour les entreprises dans le cadre du "pacte pour la croissance, la compétitivité et l'emploi" a focalisé le débat sur la question du coût du travail, alors que François Hollande avait tout fait pour nier cette problématique pendant sa campagne présidentielle. Et elle a quelque peu occulté les autres axes du travail gouvernemental. Lundi, la ministre du Commerce extérieur a pourtant dévoilé un plan export censé rapprocher l'offre commerciale française des demandes des pays et des secteurs porteurs. Mardi, à l'occasion de la Journée nationale des pôles, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, et Fleur Pellerin travaillaient, à huis clos, avec les représentants des pôles de compétitivité (voir leur implantation géographique) pour tracer leurs orientations pour les trois prochaines années. 
Lancées en 2005, sous le gouvernement de Dominique de Villepin, ces structures qui rassemblent des entreprises et des instituts de recherche publique sous le patronage de l'État et des collectivités locales ont vu le jour à la suite d'un rapport remis par l'ancien P-DG d'Air France Christian Blanc intitulé "Pour un écosystème de la croissance". Un véritable "changement d'orientation" des politiques menées jusqu'à présent en la matière, mais qui n'a pas eu les résultats escomptés.

Concentrer les moyens

Ce n'est pourtant pas faute d'avoir bénéficié d'argent public. Malgré 4,5 milliards dépensés de 2005 à 2011 - dont 3 milliards de l'État -, les projets de recherche ont eu du mal à se concrétiser. Les pôles concentrent 4,5 % des dépenses globales de recherche et développement (R&D) de la France (publique et privée), mais ne génèrent qu'entre 1 et 1,5 % du total des brevets déposés. Seulement 25 % des projets débouchent sur de nouveaux produits, selon une étude préliminaire de l'Institut de l'entreprise dévoilée mardi. 
Le think tank indépendant financé par de grandes entreprises pointe notamment du doigt leur nombre trop important par rapport à d'autres pays comparables. Alors que l'Allemagne compte 15 pôles d'excellence et le Royaume-Uni 7, la France abrite 71 pôles de compétitivité, classés selon leur dimension (mondiaux, à vocation mondiale, nationaux). Une hiérarchie qui n'a pas empêché le saupoudrage des moyens : 62 pôles se partagent 50 % du financement disponible ! Selon les auteurs de l'étude, cela s'explique par la tentation d'en faire un outil d'aménagement du territoire plutôt qu'un outil de croissance économique. Résultat, plusieurs d'entre eux sont spécialisés dans le même domaine. Un rapport de performances des pôles de 2008 à 2011, rendu cet été au gouvernement à l'issue d'une seconde phase de trois ans d'existence, relève l'inefficacité de ces redondances. "Les collaborations initiées entre pôles d'un même secteur, si elles sont en croissance, ne suffisent pas à faire naître une approche stratégique de la filière ou du secteur au niveau national", écrivent les cabinets Erdyn, BearingPoint et Technopolis. Par ailleurs, la division des pôles en trois catégories "apparaît aujourd'hui obsolète", car "elle ne promeut pas une orientation, une vision des priorités (secteurs, filières, technologies stratégiques) de l'État qu'il pourrait initier à travers la politique des pôles de compétitivité".

Conquête des marchés

Autre problème majeur des pôles identifié par l'Institut de l'entreprise, ils sont trop axés sur la R&D et la recherche de nouvelles technologies. Les recherches laissent de côté l'innovation non technologique, c'est-à-dire le design et le marketing, les processus de fabrication, la création de nouveaux usages ou les business models. Autant d'éléments-clés pour conquérir des marchés, comme le montrent l'exemple de Facebook ou celui de Nespresso qui a introduit un nouvel usage du café. "En France, on ne sait pas financer les innovations non technologiques", résume Vanessa Cordoba, coauteur de l'étude. "Les pôles parlent davantage de projets que d'innovations mises sur le marché, ayant des effets sur la croissance des entreprises adhérentes. La politique des pôles a favorisé des usines à projets, plutôt que des usines à résultats", abonde le bilan adressé au gouvernement. 
La transformation des pôles passe par le renforcement de l'implication du privé, assure l'Institut de l'entreprise. Actuellement, 70 % de leurs structures sont financées sur fonds publics, alors que le rapport est plutôt de 50-50 à l'étranger. L'inversion de cette proportion nécessiterait d'impliquer davantage les grands groupes afin de mieux "transformer l'innovation en marché".
De grandes orientations qui semblent avoir été retenues par le gouvernement. Son "pacte" prévoit, entre autres, de mieux "distinguer les pôles stratégiques à rayonnement international des pôles de développement régional". Il souligne par ailleurs que les contrats d'objectifs 2013-2015, qui doivent être signés avant fin juin 2013, les orienteront "sur des projets ou [des] prototypes destinés in fine au marché". Pour y parvenir, les pôles seront désormais évalués en fonction de leurs résultats économiques. Une révolution "copernicienne" ?
Marc Vignaud- lepoint.fr







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