Le gouvernement veut tirer les leçons
des faiblesses observées pour rendre les pôles plus efficaces dans les trois
années à venir.
Relancer la compétitivité française. En
quelques mois, cet impératif s'est imposé comme la priorité économique numéro
un du gouvernement. Paradoxalement, l'annonce faite le 6 novembre d'un crédit
d'impôt de 20 milliards d'euros pour les entreprises dans le cadre du "pacte
pour la croissance, la compétitivité et l'emploi" a focalisé le débat sur
la question du coût du travail, alors que François Hollande avait tout fait pour nier cette
problématique pendant sa campagne présidentielle. Et elle a quelque peu occulté
les autres axes du travail gouvernemental. Lundi, la ministre du Commerce extérieur a
pourtant dévoilé un plan export censé rapprocher l'offre commerciale française
des demandes des pays et des secteurs porteurs. Mardi, à l'occasion de la Journée
nationale des pôles, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, et Fleur Pellerin travaillaient, à huis clos, avec les
représentants des pôles de
compétitivité (voir leur implantation géographique) pour tracer leurs orientations pour
les trois prochaines années.
Lancées en 2005, sous le gouvernement de Dominique de
Villepin, ces structures qui rassemblent des entreprises et des instituts de
recherche publique sous le patronage de l'État et des collectivités locales ont
vu le jour à la suite d'un rapport remis par l'ancien P-DG d'Air France
Christian Blanc intitulé "Pour un écosystème de la croissance". Un
véritable "changement d'orientation" des politiques menées jusqu'à
présent en la matière, mais qui n'a pas eu les résultats escomptés.
Concentrer les moyens
Ce n'est pourtant pas faute d'avoir
bénéficié d'argent public. Malgré 4,5 milliards dépensés de 2005 à 2011 - dont
3 milliards de l'État -, les projets de recherche ont eu du mal à se
concrétiser. Les pôles concentrent 4,5 % des dépenses globales de recherche et
développement (R&D) de la France (publique et privée), mais ne génèrent
qu'entre 1 et 1,5 % du total des brevets déposés. Seulement 25 % des projets
débouchent sur de nouveaux produits, selon une étude préliminaire de l'Institut
de l'entreprise dévoilée mardi.
Le think tank indépendant financé par de grandes
entreprises pointe notamment du doigt leur nombre trop important par rapport à
d'autres pays comparables. Alors que l'Allemagne compte 15 pôles d'excellence
et le Royaume-Uni 7, la France abrite 71 pôles de compétitivité, classés selon
leur dimension (mondiaux, à vocation mondiale, nationaux). Une hiérarchie qui
n'a pas empêché le saupoudrage des moyens : 62 pôles se partagent 50 % du
financement disponible ! Selon les auteurs de l'étude, cela s'explique par la
tentation d'en faire un outil d'aménagement du territoire plutôt qu'un outil de
croissance économique. Résultat, plusieurs d'entre eux sont spécialisés dans le
même domaine. Un rapport de performances des pôles de 2008 à 2011, rendu cet été
au gouvernement à l'issue d'une seconde phase de trois ans d'existence, relève
l'inefficacité de ces redondances. "Les collaborations initiées entre
pôles d'un même secteur, si elles sont en croissance, ne suffisent pas à faire
naître une approche stratégique de la filière ou du secteur au niveau
national", écrivent les cabinets Erdyn, BearingPoint et Technopolis. Par
ailleurs, la division des pôles en trois catégories "apparaît aujourd'hui
obsolète", car "elle ne promeut pas une orientation, une vision des
priorités (secteurs, filières, technologies stratégiques) de l'État qu'il
pourrait initier à travers la politique des pôles de compétitivité".
Conquête des marchés
Autre problème majeur des pôles identifié
par l'Institut de l'entreprise, ils sont trop axés sur la R&D et la
recherche de nouvelles technologies. Les recherches laissent de côté
l'innovation non technologique, c'est-à-dire le design et le marketing, les
processus de fabrication, la création de nouveaux usages ou les business
models. Autant d'éléments-clés pour conquérir des marchés, comme le montrent
l'exemple de Facebook ou celui de Nespresso qui a introduit un nouvel usage du
café. "En France, on ne sait pas financer les innovations non
technologiques", résume Vanessa Cordoba, coauteur de l'étude. "Les
pôles parlent davantage de projets que d'innovations mises sur le marché, ayant
des effets sur la croissance des entreprises adhérentes. La politique des pôles
a favorisé des usines à projets, plutôt que des usines à résultats", abonde
le bilan adressé au gouvernement.
La transformation des pôles passe par le renforcement de
l'implication du privé, assure l'Institut de l'entreprise. Actuellement, 70 %
de leurs structures sont financées sur fonds publics, alors que le rapport est
plutôt de 50-50 à l'étranger. L'inversion de cette proportion nécessiterait
d'impliquer davantage les grands groupes afin de mieux "transformer
l'innovation en marché".
De grandes orientations qui semblent avoir été retenues
par le gouvernement. Son "pacte" prévoit, entre autres, de mieux
"distinguer les pôles stratégiques à rayonnement international des pôles
de développement régional". Il souligne par ailleurs que les contrats
d'objectifs 2013-2015, qui doivent être signés avant fin juin 2013, les
orienteront "sur des projets ou [des] prototypes destinés in fine au
marché". Pour y parvenir, les pôles seront désormais évalués en fonction
de leurs résultats économiques. Une révolution
"copernicienne" ?
Marc
Vignaud- lepoint.fr
RESUMEZ L'ARTICLE EN QUELQUES LIGNES
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire