Qu'est-ce qu'un optimiste
? Quelqu'un qui pense que son pays est sur la bonne voie ou que, s'il
flageole, il suffit de se retrousser les manches pour le redresser.
Autrement dit, quelqu'un
qui est américain, allemand, chinois, brésilien, ghanéen, ivoirien, marocain ou
indonésien, mais surtout pas français, puisque notre pays était, l'année
dernière encore, le plus pessimiste du monde, plus que l'Irak ou l'Afghanistan.
S'il faut trouver les
responsables de cette situation, inutile de les chercher loin. Ils sont
partout, et les moindres ne sont pas nos chers médias qui, pendant des
décennies, nous ont bassinés avec la "crise", comme des mainates
écervelés, alors que le pouvoir d'achat et le produit intérieur brut
augmentaient à grande vitesse.
Aujourd'hui, hélas, nous
n'en sommes plus là. Après trente ans de bêtises et de
lâchetés, où nous avons dépensé bien plus que nous ne produisions, la crise a
fini par nous frapper. Au moins quelques mesures ont-elles été prises, depuis
peu, par le pouvoir, notamment sur la baisse du coût du travail, qui vont dans
le bon sens. C'est pourquoi la dégradation de l'économie française par l'agence
de notation Moody's n'a pas été la catastrophe annoncée
pour nos taux d'intérêt.
La France a connu dans son
histoire des époques où son endettement public
était bien plus grave qu'aujourd'hui, notamment après la Seconde Guerre
mondiale, juste avant les Trente Glorieuses, trente années pendant lesquelles
l'économie a décollé jusqu'aux "Trente Honteuses" qui, de 1981 à
aujourd'hui, nous ont fait tomber là où nous sommes.
Certes, les Français, leurs médias et leurs politiciens
ont longtemps vécu dans le déni, refusant de reconnaître les dangers de
l'endettement actuel provoqué par une explosion éhontée de la dépense publique.
Maintenant que leurs yeux et ceux d'une grande partie de la classe politique, y
compris à gauche, sont enfin dessillés, on peut commencer à respirer, même si
le dur est devant nous.
Mais on ne se refait pas : ces derniers temps, les professionnels
de l'hypocondrie française ont trouvé, sur le mode atrabilaire, de nouvelles
raisons de broyer du noir. Les petits meurtres entre amis à l'UMP, le cynisme
de Copé, les rodomontades de Montebourg, la croisade anti-Église de Duflot, les
"cas de conscience" des écologistes ou des communistes, pardonnez
l'oxymore ("figure qui consiste à allier deux mots de sens contradictoire",
selon le Littré).
Un mot sur les dernières
divagations de Cécile Duflot, qui intime l'ordre aux autorités
catholiques d'héberger les sans-logis, évoquant même la possibilité de
réquisitions. La ministre du Logement ne peut pas ignorer que, si l'Eglise a un
grand patrimoine immobilier à Paris, elle met volontiers des salles à la
disposition des nécessiteux dès qu'elles sont conformes aux réglementations sur
l'hygiène et la sécurité. Qu'importe, pourvu que notre chefaillonne fasse
parler d'elle sur la Toile avec une proposition débile qu'elle n'a pas étendue,
ça va de soi, aux palais officiels dont elle cire frénétiquement les parquets. De quoi en effet désespérer de la politique.
Si Duflot duflotte,
faut-il appeler police-secours ? S'il y a eu de la fraude et du putsch
dans l'air à l'UMP, le pays tout entier doit-il se manger les sangs ? Tout cela
n'est que le bruit de fond de l'écume des jours : nos vrais défis sont avant
tout économiques. Aux désillusionnés de la politique en général et de la droite
en particulier on ne peut que conseiller d'aller prendre ailleurs quelques
bouffées d'oxygène avant de retrouver les effluves des arrière-cuisines des
partis.
N'en déplaise aux
pleureuses, aux scrogneugneux et aux agités du bocal, la France a encore quelque chose dans le
coeur et dans le ventre. En témoigne le succès de Populaire, un film-phénomène
qui se déroule pendant les années 50 et qui redonnerait la joie de vivre à un
mort sous sa terre. Une piqûre d'optimisme façon Trente Glorieuses, une leçon
de bonheur après laquelle on a envie de dire : "Grincheux n'est pas français."
Nouvel adepte de la politique de l'offre, François
Hollande devrait y songer : alors qu'arrive l'heure des comptes et des efforts,
il y a une France qui croit encore en elle-même et qui n'est pas encore prête
pour la fin du monde prétendument annoncée pour le 21 décembre par le
calendrier maya. Il n'est pas nouveau que la politique française nous donne un
spectacle si lamentable. C'est juste une habitude à prendre.
Sur nos politiciens
Charles de Gaulle avait déjà tout dit quand, à propos d'Albert Lebrun, le dernier
président de la IIIe République, il notait : "Au fond, comme chef de
l'État, deux choses lui avaient manqué : qu'il fût un chef et qu'il y eût un
État." Apparemment, Albert Lebrun a fait beaucoup de
petits.
FRANZ-OLIVIER GIESBERT- lepoint.fr du 06-12-2012
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