lundi 19 novembre 2012

Les pays émergents se construisent une protection sociale



C’est un phénomène encore peu connu. Durant la dernière décennie, les pays dits émergents, et notamment les fameux Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), ont connu un développement très rapide de leur protection sociale. 

Ces dispositifs de prévoyance collective destinés à faire face aux principaux risques de pertes de revenus (maladie, vieillesse, chômage, maternité, accidents du travail…) ont même bénéficié d’un « véritable boom social », affirme une note du Centre d’analyse stratégique (publiée en exclusivité par La Croix), qui co-organise un colloque lundi 19 novembre à Paris sur le thème «  Étendre la protection sociale dans la mondialisation : défis et réponses ».
En Chine, par exemple, « le taux de couverture pour l’assurance santé est passé de 24 à 94 % de la population entre 2005 et 2010 », précise la note. L’Afrique du Sud « a plus que doublé la part de sa richesse nationale consacrée à la protection sociale (hors santé) entre 2000 et 2005 ».  Au Brésil, la « Bolsa Familia », emblématique politique familiale, a, elle, permis de réduire le nombre de personnes vivant avec moins de un dollar par jour« de 36 % en 2003 à 21 % en 2009 ».  
DES APPROCHES DIFFÉRENTES SELON LES PAYS
C’est bien sûr le haut niveau de croissance de ces pays (+ 4,2 % par an au Brésil entre 2007 et 2011, + 10,5 % pour la Chine) qui est à l’origine de cette évolution. Non seulement parce qu’elle a apporté des recettes mais aussi parce qu’elle a accru les inégalités et donc les besoins.
Pour répondre à ces enjeux, les Brics s’y sont pris de manière très variable selon les pays. Ainsi, si « la Chine   se caractérise par un système entièrement public »,  l’Afrique du Sud « voit coexister un système public centré sur les plus défavorisés et un recours au marché pour la part de la population qui en a les moyens ».  
Si, en Chine, la protection sociale s’est d’abord développée pour les travailleurs des villes sous forme assurantielle, chacun contribuant à financer le dispositif, l’extension aux campagnes s’est fait grâce à des subventions publiques.
En Inde, le système d’assurance vieillesse et maladie pour les plus pauvres est financé par le public mais ce sont des partenaires privés qui assurent la couverture. 
LA SPÉCIFICITÉ DU BRÉSIL
Enfin, c’est le Brésil qui a poussé le plus loin la logique des « transferts monétaires conditionnels », les prestations familiales étant conditionnées à des comportements vertueux (scolarisation et vaccination des enfants…).
Pour autant, ce boom social se heurte à de très importantes limites. Ainsi, l’existence d’une assurance-maladie ne garantit pas forcément l’accès aux soins dans des pays où l’offre de santé est souvent déficiente. Ensuite, le poids du secteur informel, 90 % de la main-d’œuvre en Inde n’étant pas déclarée par exemple, reste un obstacle de taille. Tout comme le fait que peu de gens ont un compte bancaire où verser des prestations. 
Enfin, le vieillissement de la population, qui laisse présager une évolution différenciée des recettes et des besoins, sera un défi pour demain. Un défi que connaissent bien nos pays développés.
NATHALIE BIRCHEM (La Croix.com du 16-11-2012)



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