mercredi 7 mai 2014

A Fontainebleau, les grimpeurs font bloc



Initiation dans La Mecque de cette discipline qui s’impose dans le monde de l’escalade, et qui attire des émules de plus en plus nombreux.

Dans la forêt de Fontainebleau, on les repère aisément : en guise de sac à dos, ils portent un matelas rectangulaire revêtu d’une toile Cordura. Le «crashpad» est l’attribut de la tribu des «bloqueurs», ces grimpeurs singuliers, sans harnais ni cordes, dont les ascensions culminent à quelques mètres d’altitude. Des Spiderman qui dansent avec les gros rochers de grès essaimés sur le sable, entre hêtres et pins.
Longtemps, l’escalade de blocs a été confinée à un entraînement pour se préparer à la montagne, et le chaos de Fontainebleau considéré comme le site des Parisiens en mal de parois. Mais peu à peu, au vu des ascensions spectaculaires que réalisent les «Bleausards» quand ils débarquent à Chamonix - la face nord du Petit Dru en 1935 par Pierre Allain, ou la première de la face nord du Grand Capucin en 1955 par Lucien Bérardini et Robert Paragot -, le bloc s’impose : d’abord comme une école inégalable et, depuis les années 2000, comme une discipline à part entière.
Le week-end dernier, à l’initiative du Club alpin français, quelque 200 jeunes issus de clubs de toutes régions se sont retrouvés à Fontainebleau pour s’initier au bloc, aux côtés des grimpeurs d’élite du team Petzl.
B comme «Bleau»
A 60 kilomètres de Paris, c’est La Mecque, un site naturel exceptionnel qui attire des grimpeurs du monde entier. Figures de «Bleau», Jo et Françoise Montchaussé y ont découvert l’escalade il y a plus de trente ans et en ont fait la colonne vertébrale de leur vie. Sur environ 20 000 hectares de forêt, expliquent-ils, un chaos de grès hérité de la mer qui recouvrait jadis la région parisienne offre des milliers de rochers aux noms pittoresques : la Canche-aux-Merciers, le Cul-de-chien, le Bilboquet, le Potala, l’Eléphant…
«La variété des formes, des prises, des sols et des hauteurs est telle que du débutant à l’expert, de 7 à 77 ans, on peut trouver passage à son goût», témoigne Jo Monchaussé. Il existe des circuits balisés (de jaune pour les débutants à noir pour l’extrême) et des cotations pour les «voies» allant de 2A (enfants) à 8C (athlètes confirmés). Le grès procure un toucher sableux, «comme du papier de verre, avec une belle adhérence», apprécie Loïc Gaidioz, 30 ans, champion de France de bloc 2006.
«Bleau a toujours été un laboratoire, observe Jo Montchaussé. Par exemple, c’est ici qu’on a instauré l’usage de la résine, le "pof", pour favoriser l’adhérence, dès 1932, ou que Pierre Allain, grand alpiniste et éminent grimpeur de bloc, a inventé les chaussons d’escalade, en 1935.»
 L comme ludique
Avec le bloc, on pratique une escalade naturelle, comme celle à laquelle se livre spontanément un enfant. Ni corde ni harnais, ni assurance, juste un autre grimpeur pour parer la chute. «On explore, on tombe, on réessaie, encore et encore, pour réussir quelque chose de futile», dit Daniel Du Lac, champion de France et d’Europe, vainqueur de la coupe du monde en 2004.
«Le bloc, c’est un effort court, intense, explosif, avec un shoot d’adrénaline et le cœur qui passe de 60 à 220 pulsations minute en trois secondes ! poursuit Loïc Gaidioz. Tu respires un coup au début, un coup à la fin. Entre, tu es en apnée, tu peaufines tes mouvements. C’est un concentré de toutes les sensations que tu peux éprouver en escalade.»
«Avec le bloc, tu travailles l’explosivité, la force mais aussi la précision extrême. Ton corps mémorise et ça te sert ensuite en falaise ou en montagne, ajoute la Suissesse Nina Caprez, 28 ans, étoile des grandes voies. Tu apprends à poser le pied comme il faut, à prendre la prise correctement, tu répètes vingt, trente fois, jusqu’à ce que ton corps soit vraiment dans l’effort à faire.» Pour Luc Jourjon, du Club alpin français, le bloc a révolutionné l’escalade : «Aujourd’hui, aucun grimpeur de haut niveau ne peut s’en passer.»
 O comme otarie
Il ne suffit pas de monter : «sortir» du bloc à Fontainebleau est souvent un passage délicat. Parfois, le bloqueur se retrouve à «faire l’otarie» au sommet de son rocher : il sort en rampant à plat ventre sur un bloc arrondi et lisse et prie pour que ça ne glisse pas, pour éviter «la zipette»…
C comme chute et crashpad
La chute est inhérente à l’escalade de bloc, et inévitable pour progresser. Avant, il n’y avait que le pareur, un autre grimpeur, au pied du bloc, pour ralentir et amortir la chute. En 1995, sont apparus les premiers matelas amortissants, grâce à Jo et Françoise Montchaussé. En un ou plusieurs morceaux, mais toujours pliable, le crashpad, surface plane composée de mousses aux densités différentes, préserve le dos et évite les entorses.
 Résumez en quelques lignes 


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