L'Espresso Book Machine permet aux libraires de
fabriquer en quelques minutes le livre que recherche leur client. New York est
déjà conquise !
Sans doute n'avez-vous jamais entendu
parler de l'Espresso Book Machine. Il se pourrait pourtant qu'elle permette aux
libraires de résister à la vente de livres en ligne. Et le moins que l'on
puisse dire est que ce ne serait pas du luxe, car le constat des libraires
aujourd'hui est navrant. Les gens viennent chez eux pour flâner et regarder les
livres, mais ils les commandent en ligne s'ils ne trouvent pas ce qu'ils
veulent, se détournant ainsi, et souvent définitivement, des librairies. Or les
sites de vente en ligne ont un talon d'Achille : ils mettent au moins deux
jours à faire parvenir une commande, et parfois plus dans le cas de livres
rares ou épuisés. Et c'est là où l'Espresso Book Machine pourrait leur couper
l'herbe sous les pieds.
De quoi s'agit-il ? D'une sorte de super
photocopieuse qui imprime, massicote, assemble et broche n'importe quel livre
et sa couverture en moins de dix minutes à partir d'un fichier. Un genre de
distributeur automatique de livres, commercialisé en 2006 par la société On
Demand Books, qui en a déjà vendu plus d'une centaine dans le monde. D'abord à
des bibliothèques comme celles de Harvard, d'Oxford, de Washington ou
d'Alexandrie, en Égypte, puis à
des librairies, à Tokyo ou à New York, qui y ont vu un certain nombre
d'avantages.
Huit millions de titres disponibles !
En effet, outre le fait que la machine
améliore la gestion de leurs stocks et libère leurs rayons au profit de titres
qui ont un meilleur rendement, elle augmente la fréquentation de leurs
magasins. Car elle y attire les auteurs de manuscrits désireux de publier à
compte d'auteur, tout comme les amoureux des livres rares et épuisés dont elle
renouvelle le marché, ainsi que les éditeurs dépourvus de réseaux de
distribution. La machine leur permet également de se métamorphoser en éditeurs
de guides ou d'auteurs régionaux, en centres de photocopies pour des manuels de
cours ou des bilans de fin d'année, ou encore en kiosquiers, par exemple dans
des lieux trop retirés pour que les magazines et les journaux parviennent à
temps à leurs abonnés.
Mais pour ce qui est des livres, les
libraires équipés de l'Espresso Book Machine sont encore loin de fournir le
service annoncé par ses concepteurs. Car s'ils peuvent effectivement imprimer
un livre en un temps record, c'est-à-dire en 3 à 4 minutes pour une impression
de 120 pages à la minute, ou en 7 à 10 minutes pour une impression de 35 pages
à la minute, ils n'ont accès qu'aux titres du catalogue d'ExpressNet, le
logiciel qui extrait les livres de leurs sources pour les encoder et les
transmettre dans leur version numérisée. C'est-à-dire ceux qui sont dans le
domaine public, souvent numérisés par leur partenaire Google Books, et ceux dont les éditeurs ont
accepté de livrer le contenu, comme Penguin, HarperCollins, le groupe Hachette,
Random House ou Simon and Schuster. Cependant, les titres sont de plus en plus
nombreux, puisque le catalogue d'ouvrages disponibles est passé en 10 ans de
600 000 à plus de 8 millions d'ouvrages. Mais pour le moment, nombre d'éditeurs
semblent encore hésitants, comme s'ils rechignaient à enclencher une nouvelle
révolution issue de la numérisation, après celle provoquée par l'e-book.
Avec l'Espresso Book Machine, plus de
pilonnage des invendus
Pourtant, pour se démocratiser, l'Espresso
Book Machine n'aurait qu'à tirer parti de la numérisation et des nouveaux modes
de distribution du livre déjà accélérés par l'e-book. Et les éditeurs ne
devraient pas y voir d'inconvénient, car leur marge serait identique à celle
des livres traditionnels, tandis que leurs titres y gagneraient en
disponibilité et en durée de vie. De plus, ils feraient des économies sur les
frais de livraison ainsi que sur la gestion et le coût des retours. Et tout
cela, en soutenant les librairies et en favorisant une technologie verte qui
élimine la pollution causée par le pilonnage des livres et leur distribution.
Alors,
qu'est-ce qui coince ? D'abord, le sort des imprimeurs et des distributeurs,
dont cette machine pourrait bien signer l'arrêt de mort. Et puis le coût actuel
de la machine, qui varie de 100 000 à 130 000 dollars. Aussi, pour rentrer dans
ses frais, un libraire devrait-il attendre 11 ans et 9 mois s'il imprime un
livre par heure, ou 3 ans et 11 mois, s'il en imprime 3 par heure ! Impossible,
donc, à moins de mutualiser le service... Ou d'attendre la prochaine génération
d'Espresso Book Machine qui ne vont pas rester longtemps seules sur ce marché.
La chaîne du livre n'en a décidément pas fini d'être chamboulée.
Résumez en quelques lignes
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