Après 6 ans d'attente, le nouveau parc zoologique de
Vincennes ouvre ses portes. Lions, babouins, girafes et serre
spectaculaire, tous les ingrédients sont présents pour épater la galerie. Mais
les zoos sont-ils nécessaires à la survie de certaines espèces ? Armand
Farrachi, militant pour la protection des animaux, en doute fortement.
Les animaux
sauvages sont par essence des êtres de liberté, censés vivre dans un monde
vrai. Les "jardins" zoologiques sont par définition des lieux
artificiels, conçus tout exprès pour la captivité d’animaux exotiques.
Les
zoos sont-ils donc des parcs, des jardins, comme on les nomme aujourd’hui, ou
des prisons comme l’affirment leurs détracteurs (dont je suis) ?
Le 12
avril, le nouveau zoo de Vincennes ouvre ses portes après une rénovation
complète. Plus de cages, ni d’enclos exigus, de vitrines, de fosses, de
barreaux, mais des espaces ouverts, de l’air libre, des végétaux.
Le nouveau
"parc zoologique de Paris", comme le "parc" de Thoiry, le "bioparc" de Doué-la-Fontaine ou tant d’autres se fixent la
"bioconservation" comme une priorité, grâce à la "gestion"
d’animaux "évoluant en semi-liberté" dans des espaces "proches
du milieu naturel", "à cent lieues du concept zoologique traditionnel".
C’est tant
mieux. Mais le principe demeure : offrir une chaîne plus longue aux esclaves,
ce n’est pas leur rendre la liberté.
Les
ménageries d’autrefois étaient des mouroirs, de véritables culs-de-basse-fosse,
faits pour la simple curiosité des humains et la souffrance des animaux. Ces
endroits appartiennent désormais au passé, du moins en Occident. Personne ne
les regrette.
Les
directeurs de zoos prétendent aujourd’hui concilier la conservation des
espèces menacées et la rentabilité d’une entreprise commerciale. Ils assurent
que les animaux sont bien – ou mieux traités. C’est heureux.
Méfions-nous
toutefois du concept de "bientraitance" que les ennemis de la cause
animale, (en particulier le lobby appelé "comité Noé") opposent au
"bien-être animal". Cette notion évacue toute idée de liberté et
sacre l’homme maître et possesseur de la nature, disposant à sa guise des
espèces inférieures, si possible en maître éclairé plutôt qu’en bourreau. Sa
mansuétude n’ira pas au-delà.
Certaines
espèces ont bien été sauvées de l’extinction et réintroduites dans la nature
grâce aux zoos, ou aux élevages en captivité : le cheval de Przewalsky, le bison d’Europe, l’oryx d’Arabie, des vautours… Ces réintroductions restent
néanmoins problématiques, en particulier pour des raisons génétiques, puisque
tous les représentants de l’espèce sont plus ou moins cousins.
Certes, nous
nous réjouissons que le cheval préhistorique puisse encore galoper sur les
steppes mongoles ou le gypaète barbu survoler les gorges des Pyrénées, mais
pour quelques individus relâchés combien restent détenus à vie ? Le principal
objectif d’un zoo est nécessairement de réaliser du profit.
La
réintroduction d’espèces dans leur milieu, son alibi, rencontre d’innombrables
obstacles et reste malheureusement très exceptionnelle. Si ces animaux sont
condamnés à ne jamais quitter leur enclos, leur survie ne sert qu’à amuser les
humains. On le voit avec la multiplication d’animaux artificiels, comme le tigre
blanc ou l’auroch.
La réserve de
Wolong, en Chine, consacrée au panda géant, illustre au mieux – ou au pire
– ce paradoxe. Tandis que les jeunes pandas issus de procréation intensive
sont promenés devant les caméras dans des caddies de supermarchés pour
"sensibiliser" la population, pas un seul panda n’a été relâché dans
la nature avec succès.
En revanche,
plusieurs ont été vendus à des zoos. Le zoo de Copenhague s’est récemment
illustré en
"euthanasiant" en public, avec un pistolet d’abattage, un
girafon dont il ne savait que faire, puis quatre lions, dont deux lionceaux, alors même que les
girafes disparaissent d’Afrique de l’Ouest et que les effectifs des lions sont
en chute libre dans toute l’Afrique.
Notons que
l’exécution de Copenhague a été défendue par l’Association Européenne des Zoos et Aquariums
(AEZA), qui compte pourtant un comité "Conservation" et se
flatte d’une "charte éthique".
Pour
réintroduire un animal dans la nature, il faut que les conditions de sa
disparition aient disparu et que le milieu puisse l’accueillir, ce qui devient
de plus en plus difficile et de plus en plus coûteux.
Est-ce une
raison pour proposer la captivité et la déportation de créatures innocentes
comme un spectacle dominical à partager en famille ? Quel degré de
"bientraitance" faut-il atteindre pour que la privation de liberté
soit éthiquement supportable ?
Dans un zoo,
même moderne, les animaux, même bien traités, adaptés par leur morphologie à la
liberté des grands espaces, aux longues courses, à la vigilance, survivent dans
des enclos qui ne paraissent grands qu’aux humains. Un simple hérisson a besoin
de 5 hectares.
Les détenus
n’ont pas à défendre leur territoire ni à chercher leur nourriture. Leur vie
sociale est faussée. Les migrations n’ont plus de sens. Se reproduire est
compliqué, soit par excès soit par défaut. Ils s’ennuient et sont en permanence
exposés au public, sans cachettes, ce qui est pour eux un stress permanent.
Abolissons
l’esclavage. N’allons pas dans les zoos, dans les aquariums, dans les cirques
avec animaux humiliés par un comportement à contre-nature. Qui s’intéresse à la
vie animale a de multiples occasions de voir des films animaliers saisissants.
Les
passionnés ne paieront pas beaucoup plus cher qu’un séjour aux sports d’hiver
un voyage naturaliste qui leur permettra d’approcher eux-mêmes des animaux
libres et d’encourager les pays pour qui la conservation de la vraie nature est
une politique.
Pour
survivre, les animaux n’ont pas besoin de zoos. Ils ont besoin de liberté, de
parents pour les élever et d’un milieu pour les accueillir.
Le Nouvel Observateur -publié le 12-04-2014
Résumez en quelques lignes
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