Le gouvernement lance les Assises
du tourisme. On ne peut que s'en réjouir. Certes, la France peut
s'enorgueillir d'être un des leaders mondiaux de ce secteur. Mais pour
combien de temps encore ?
Au moment où des centaines de
millions de Chinois, d'Indiens, de Brésiliens, et tant d'autres, commencent à visiter le
monde, et tout particulièrement l'Europe, comment nous préparer à les accueillir dans
les meilleures conditions ?
Le secteur mérite mieux que le peu d'attention que
lui ont accordé les pouvoirs publics depuis trop longtemps. Il mérite mieux,
surtout, que le préjugé qui identifie le devenir touristique de la
France à la fatalité de la désindustrialisation, laissant entendre que
cette activité n'est pas vraiment productive.
Il est plus que temps de dépasser cette
vision simpliste. Le tourisme, outre qu'il est une industrie, en fait tourner bien
d'autres. La part du seul secteur touristique dans le produit intérieur brut
(PIB) s'élève déjà à 7%.
2 MILLIONS D'EMPLOIS
Elle est bien supérieure à celles
de l'énergie et de l'agriculture ; et avec ses effets induits, le
tourisme atteint près de 10% du PIB et représente environ 2 millions d'emplois.
C'est le premier poste de notre
balance des paiements, loin devant l'agroalimentaire, l'automobile ou
l'aéronautique.
C'est bien sous le signe du
redressement productif engagé que devrait s'inscrire une politique du
tourisme et des loisirs audacieuse. Comment valoriser notre
offre pour répondre à une quête de bien-vivre qui doit trouver dans
notre pays - le plus visité au monde - sa terre d'élection ?
La France dispose d'atouts
exceptionnels : diversité unique de ses paysages, de son climat, de son
patrimoine naturel et historique, richesse de sa vie culturelle, de sa gastronomie etc…
Et pourtant, notre pays perd chaque année des parts de marché en Europe, par
rapport à l'Espagne ou l'Italie, mais aussi à l'Allemagne.
AU TROISIÈME RANG EUROPÉEN
Elle n'est plus qu'au troisième
rang en termes de recettes. Les plus beaux sites ne suffiront pas à retenir le
voyageur qui construit son séjour comme une expérience globale, et qui, avec un
professionnalisme inédit, peut sur le net comparer et composer ses
offres.
Dans un monde où les réputations
se défont de manière virale, si l'art et la douceur de vivre " à
la française " ne sont pas au rendez-vous, alors la clientèle repartira
avec un souvenir contrasté et l'image de la destination-France
pourrait être très vite entamée.
Dès l'arrivée à l'aéroport ou à
la gare, notre image de marque est engagée. Tout au long de leur séjour, c'est
l'attention portée aux visiteurs de passage qui est appréciée. Sait-on que le
site de voyageurs Where are you now a élu les Français " peuple
le plus inhospitalier du monde", soulignant au passage nos réticences à communiquer en
anglais, tandis que d'autres sites classent nos villes parmi les plus sales
d'Europe ? Au-delà de leur exagération nous aurions tort de négliger ces
avis.
Le mauvais rapport qualité/prix
de certains de nos hébergements est ainsi communément critiqué. De même, sont
souvent mentionnés le niveau inégal de nos infrastructures de transport -c'est
notamment le cas en région parisienne qui ne dispose pas encore d'une liaison
directe entre ses aéroports et Paris, ville la plus visitée au monde !-,
mais aussi les horaires d'ouvertures de nos magasins, en particulier dans les
grandes agglomérations.
RENFORCER LES QUALIFICATIONS DE
NOS MÉTIERS
La lourdeur et la complexité des
procédures (urbanisme, visas…) ont leur part de responsabilité. Sans oublier la
réputation de notre pays auprès des investisseurs, dont nous avons besoin pour financer nos
projets.
Une politique volontariste
globale est donc nécessaire.
L'investissement dans le capital
humain doit être au cœur de cette démarche. Il est crucial pour répondre aux
exigences d'accueil de la clientèle et développer la créativité et
l'innovation, d'autant plus si nous voulons défendre pour la France
une conception du développement touristique à forte teneur qualitative.
Nous avons donc besoin de renforcer les
qualifications de nos métiers - notamment linguistiques -, de mieux
professionnaliser et sécuriser nos emplois, en dépit de leur
caractère saisonnier. C'est une rentabilité durable que nous voulons promouvoir et
surtout pas un productivisme destructeur des équilibres naturels et sociaux.
FÉDÉRER LE TISSU ÉCONOMIQUE LOCAL
Notre réussite dépendra beaucoup
de notre capacité à rassembler les acteurs d'une profession
relativement éclatée, de manière à défendre, au-delà des pré-carrés, la
marque France. Cela requiert de mieux structurer une filière qui
manque, dans certains domaines, d'opérateurs de taille critique.
Ainsi, souhaitons-nous laisser la
promotion de nos sites aux seuls géants mondiaux de la commercialisation sur le
net ? Le développement du tourisme n'est pas l'affaire des seuls professionnels
du secteur. Aussi, nous devons mettre en place des initiatives qui
permettent de fédérer le tissu économique local, au plus grand
bénéfice des territoires et de leurs habitants.
C'est ce que nous avons fait, par
exemple, à la Compagnie des Alpes en créant, en avril dernier, avec la Caisse
des Dépôts, trois banques régionales rhônalpines et les collectivités locales,
une société foncière en vue de rénover des centaines de logements
vieillissants dans nos montagnes.
Pour relever tous ces
défis, on ne peut pas tout attendre des pouvoirs publics. Cependant,
l'Etat et les collectivités locales ont un rôle essentiel à jouer pour créer
un cadre favorable au développement du tourisme.
UNE CHANCE POUR LA FRANCE
Il s'agit pour l'Etat d'aller au-delà
d'une simple démarche sectorielle, et de prendre pleinement en compte la
composante " tourisme " dans la définition et la mise en œuvre de ses
actions, en levant autant qu'il est possible les obstacles législatifs et
règlementaires qui freinent son développement.
On peut attendre de
l'Etat qu'il favorise des projets structurants au niveau national, comme il a
su le faire dans le passé, avec le plan neige ou
l'aménagement du littoral, par exemple. Il convient aussi de faire éclore et
de mieux accompagner les initiatives locales qui ont de plus en plus
de mal à aboutir en raison de la lourdeur des procédures et, il faut
bien le dire, de la frilosité et de l'indécision des acteurs publics.
Le tourisme est une chance pour
la France. Sachons en faire un levier de croissance en conjurant nos
faiblesses et en valorisant nos formidables atouts.
Le Monde.fr | 25.11.2013 à 09h53 |Par Dominique
Marcel (PDG de la Compagnie des Alpes)
Résumez en quelques lignes
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