Élodie
Courtejoie : … Pourriez-vous nous dire, nous rappeler, ce qu’est
l’identité pour le sociologue que vous êtes ?
Jean-Claude
Kaufmann : D’emblée ce n’est pas extrêmement simple parce que, il faut
dire, il n’y a pas un consensus. On a l’impression qu’il y a un consensus,
c’est à dire que le mot est employé de manière banale, je dirais ordinaire,
dans la presse, par tout le monde, tous les jours. Il suffit de faire
l’exercice, d’ouvrir un journal, d’écouter une émission de radio et on entend
le mot identité à chaque instant : identité religieuse, identité ethnique…
Élodie Courtejoie :
Identité culturelle ?
Jean-Claude Kaufmann :
Identité culturelle, crise d’identité de l’adolescent, identité de
l’entreprise, c’est un mot de l’époque. Et c’est très intéressant de faire
l’historique de l’utilisation du mot.
Élodie Courtejoie :
Alors, justement, je crois que dans les premières pages de votre livre, donc
« L’invention de soi », vous dites que, effectivement, c’est très
récent et que ça date de l’époque des registres paroissiaux ?
Jean-Claude Kaufmann : L’identité du point de vue du haut de la
société, du point de vue de l’État, effectivement. Il y a eu l’apparition d’un
questionnement. L’apparition des papiers d’identité, les papiers d’identité
sont liés à l’émergence de l’État. Qu’est-ce que c’est que l’État ? Si je
peux résumer en quelques mots c’est très schématique. C’est une administration
qui se sépare du corps social, c’est à dire qu’avant l’État, la communauté se
connaît elle-même, donc il n’ y a pas besoin. Chacun connaît chacun dans le
village traditionnel. Il n’y a pas un besoin, une nécessité des papiers
d’identité. Avec la séparation entre l’État et le corps de la société, l’État a
besoin de connaître ses administrés. On va voir apparaître les premiers papiers
d’identité. Alors les premières traces effectivement sont les registres
paroissiaux et puis on voit apparaître les papiers d’identité liés aux
personnes, qui suivent les personnes, donc. Et ces personnes, ces premières personnes,
qui vont être dotées de papiers d’identité, sont celles qui s’extraient
justement des communautés stables, les Tziganes, les personnes qui voyagent.
Les ouvriers, les ouvriers qui vont de ville
en ville, et qui vont être, à qui on va attribuer un livret ouvrier qui définit
un petit peu leur histoire. Et puis, apparaît,
la carte d’identité. Alors tous les pays n’ont pas une carte d’identité.
Aux États-Unis il n’y a pas de carte d’identité. En France, c’est très récent,
c’est 1940, c’est le régime de Vichy. Et la carte d’identité va créer une
illusion, une illusion fondatrice au niveau de la notion d’identité parce qu’on
va croire que l’identité ça peut être simple.
Quand dans la rue on vous
demande vos papiers, « Montrez-moi vos papiers », finalement la
personne n’est que le double du papier qui est la preuve de la réalité de l’individu pour l’État. La
vérité est dans le papier qui résume en quelques critères, date de naissance,
grandeur, couleur des, autrefois il y avait la couleur des yeux, etc., en
quelques critères… la photo surtout, qui résument la personne. On a
l’impression qu’on peut faire le tour, et en réalité l’identité c’est tout le
contraire de ça, c’est très compliqué.
Expliquez les mots qui
suivent :
Administration (f) : …………………………..
Administré(e) : ………………………………….
Consensus (m) : …………………………………..
Critère (m) :………………………………………
D’emblée : ……………………………………..
Doté(e) de: ……………………………………..
Émergence (f) : ……………………………………..
Fondateur(trice) : ……………………………………..
S’extraire : ……………………………………..
Paroisse (f) : ……………………………………..
Récent(e) : ……………………………………...
Régime (m) : ……………………………………..
Registre paroissial (m) : …………………………………
Tzigane : ……………………………………..
Répondez :
- Dans quel contexte ont été créés les
papiers d’identité ?
- Quelles ont été les premières personnes
concernées par les papiers d’identité ?
- Quels sont les exemples d’utilisation du
mot « identité » cités dans le document ?
- Les papiers, les cartes d’identité
existent-ils dans tous les pays ?
- Que pensez-vous de cette citation ? « Ce qui compte, c'est ce qui est inscrit
non sur les papiers d'identité d'un homme mais dans son cœur. » Henri
Troyat - Extrait de Le Bruit solitaire du cœur, Flammarion, 1985.
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