mercredi 5 février 2014

Le tag dans les musées


Quarante ans après leur naissance dans les rues de New York, les tags et les graffitis ont fait leur entrée dans les musées. Cet 'art vandale' est enfin reconnu.

Les musées qui ont accueilli Picasso, Gustave Courbet ou Anselm Kieffer viennent enfin d'ouvrir les portes à d'autres artistes, plus habitués à la rue qu'aux lieux officiels. Les 300 œuvres exposées à Paris faisaient partie de la collection d'Alain-Dominique Gallizia, un architecte tombé fou amoureux de cet 'art vandale', depuis sa rencontre avec un artiste qui avait peint des graffitis sur plusieurs grands panneaux qui se trouvaient sur l'un de ses chantiers.

Le chemin parcouru a pourtant été long depuis les premiers tags de Taki 183 et les wagons couverts de lettres énormes en différentes couleurs à New York au début des années 1970. Au commencement, le 'tag' n'était rien d'autre qu'une signature. Écrire son nom, s'est prouver qu'on existe. Signer sur les rames de métro qui circulent entre le Bronx et Brooklyn, c'est envoyer des messages, lancer des défis. Si au début les tagueurs employaient un feutre pour mettre leurs tags, ils sont vite passés à la bombe à peinture. Cela permettait aux jeunes artistes – parfois ils n'avaient que douze ou treize ans – de vite recouvrir une grande surface. Chacun s'invente son propre style. Les grands s'appellent Crash, Blade, Seen, Dondi, Stayhigh 149, Toxic ou Futura 2000.

C'est un jeune Franco-Américain, Philip Lehman, alias Bando, qui découvre les tags, un été, à New York, et les importe en France au début des années 1980. Suivent Psyckoze, Spirit et quelques autres. Le mouvement est lancé. "Depuis, les tags et les graffitis ont bien évolué. Ils sont devenus plus grands, plus beaux. Le but est de faire mieux", explique Bando. Et ce, malgré la police qui, au début, chassait les tagueurs et les graffiteurs. Beaucoup d'entre eux se sont même trouvés en prison.

De la prison au musée, il a quand même fallu près de trente ans, même si Jean-Michel Basquiat, qui, lui aussi, a commencé par le graffiti dans la rue, et ses copains Toxic, Zee et Keith Haring ont vite trouvé leur place dans les collections d'œuvres d'art. Ils sont l'exception. Pour les graffiteurs, il s'agissait avant tout de créer un art original et fort. Pour les véritables artistes – 10% des tagueurs selon Magda Danysz – les murs blancs d'une galerie ou d'un musée sont une étape logique. "Nous sommes des peintres comme les autres", affirme Quik. "Nous avons commencé dans la rue mais petit à petit nous nous sommes développés pour enfin devenir de vrais artistes." "Le graffiti est un art différent qui attire un public différent", explique Bando. Actuellement le succès des graffiteurs ne cesse de grimper. Selon Arnaud Olivieux, la dernière vente qu'il a organisée a rapporté au total 450 000 euros pour 80 œuvres. "Les gens qui achètent ses œuvres ont grandi avec les graffitis", explique Arnaud Olivieux. "Ils recherchent des artistes de leur génération." Pour la petite histoire: Laurence Parisot, la patronne du Medef (Mouvement des Entreprises de France) a acheté une œuvre de Quik pour l'accrocher dans son bureau. Mais, même si certains artistes commencent à être très recherchés, beaucoup de gens les regardent encore d'un mauvais œil. "Beaucoup se demandent si c'est vraiment de l'art", nous dit Pedro Alonzo, "mais Marcel Duchamp et son urinoir n'ont pas été accepté tout de suite non plus. Voilà des gens qui créent un art différent, dans un milieu différent. Mais ce sont des artistes."  

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, le graffiti est un art difficile qui demande beaucoup de travail et d'entraînement. Quik raconte qu'à une certaine période de sa vie il peignait dix à douze heures par jour. "Moi, je travaille tous les jours", nous confie Bando qui, parfois, s'enferme de longues heures pour imaginer une nouvelle forme de lettre. Les tags et les graffitis demandent beaucoup de préparation. D'abord, à cause des conditions de travail: lorsque l'on peint des rames de métro, il faut être rapide et bien savoir ce que l'on va faire. Mais il y a aussi la passion. Les tagueurs aiment beaucoup la calligraphie ou l'art de la belle écriture. C'est d'ailleurs pour cela qu'ils préfèrent le nom de 'writers' à celui de tagueurs. Ils cherchent à faire évoluer la manière de composer des lettres, de les présenter. "Ne vous y trompez pas", nous explique Bando, "l'art du tag est aussi difficile que celui des lettres gothiques au moyen âge."

L'art de la rue – l'art vandale selon certains – a beaucoup évolué. Aujourd'hui, les stickers et les affiches attirent de nombreux collectionneurs. Pourtant, il y a hésitation. Pour certains, cet art a atteint son sommet, pour d'autres, ce n'est encore qu'un début… L'histoire nous l'apprendra.


Source: LExpress.fr


Questions

      1.    Où et quand les tags et les graffitis ont-ils trouvé leur origine?
      2.    Comment les tags et les graffitis ont-ils longtemps été considérés?
      3.    Qui est Alain-Dominique Gallizia? Comment a-t-il 'découvert' les tags et les graffitis?
      4.    Qu'était le 'tag' à l'origine? Quel en était le but?
      5.    Qu'est-ce que les tagueurs employaient au début pour mettre leurs tags? Et de nos jours? Quel est l'avantage de ce nouvel 'outil'?
      6.    Qui a importé les tags en France? Quels ont été les premiers grands noms en France?
      7.    Au début, les graffiteurs ont connu beaucoup de problèmes? Comment?
      8.    Si la plupart des tagueurs ont connu bien des difficultés au début, quelques-uns ont réussi à trouver une place dans des collections. De qui s'agit-il, par exemple?
      9.    Que dit Quik sur l'évolution des tagueurs?
  10.    Comment Bando explique-t-il le manque d'intérêt du grand public au début?
  11.    D'après Arnaud Olivieux, qui achète des graffitis aujourd'hui? Pourquoi?
  12.    Comment Pedro Alonzo explique-t-il les difficultés qu'ont connues les graffiteurs au début?
  13.    Le graffiti est un art beaucoup plus difficile qu'on ne pense. Comment?
  14.    Les tags et les graffitis demandent beaucoup de préparation. Quelles sont les deux raisons principales?
  15.    Pourquoi les tagueurs préfèrent-ils le nom de 'writers'?
  16.    À quoi Bando compare-t-il l'art du tag?
  17.    Malgré le succès de l'art du tag, un nombre de collectionneurs semblent hésiter. Pourquoi?


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