vendredi 21 février 2014

Langues régionales : l'alsacien devance la charte européenne


Lassée d'attendre l'Etat, la commune de Saverne a décidé d'anticiper la ratification de la charte européenne des langues régionales. Mulhouse pourrait suivre.
Alors que l’Etat français n’a pas encore ratifié la charte européenne des langues régionales, des élus alsaciens prennent les devants et adoptent une version régionalisée du texte. Le conseil municipal de Mulhouse planche dessus ce lundi soir. La semaine dernière c’est Saverne qui l’approuvait, une première européenne. «Le principe est le même, nous avons simplement retiré tout ce qui concernait l’Etat et chaque collectivité doit choisir 35 engagements sur les 75 listés», explique Pierre Klein, président de la fédération Alsace bilingue.
L’organisation, qui regroupe les principales associations défendant la culture et la langue alsaciennes, est à l’origine d’un appel pour que l’Etat français ratifie enfin la charte européenne. 3600 personnes ont signé, des acteurs du monde politique, économique, culturel dont 167 maires. Et avec la campagne des municipales, le lobbying de Pierre Klein semble porter ses fruits. Roland Ries (PS) à Strasbourg s’est montré intéressé ainsi que le président du conseil général du Haut-Rhin, Charles Buttner (UMP). «Cela prend bien»,sourit Pierre Klein, expliquant qu’il n’avait d’autre choix que de court-circuiter l’Etat, tant«il y a urgence à sauver l’alsacien et que le processus de ratification national, s’il aboutit, pourrait traîner encore des années».
«ENVOYER UN SIGNAL : UN PEU DE COURAGE!»
Cela traîne déjà depuis deux décennies. La charte européenne des langues régionales date de 1992, 25 Etats l’ont aujourd’hui ratifiée. Jospin avait fait une tentative en 1999, mais il s’est heurté au veto du Conseil constitutionnel rappelant que «la langue de la République est le français». Ratifier le texte figurait parmi les engagements du candidat Hollande en 2012. Fin janvier, les députés ont fini par se prononcer en faveur de cette modification de la Constitution, permettant d’adopter la charte européenne.
La proposition de loi doit encore être validée par le Sénat puis par référendum ou sous forme de projet de loi constitutionnel, qui doit atteindre la majorité des deux tiers au Congrès (réunion des deux chambres à Versailles). « En adoptant cette charte localement, nous espérons faire pression sur le gouvernement et lui envoyer un signal : un peu de courage !», lance Christiane Eckert, adjointe au maire UMP de Mulhouse, en charge du dossier.
Elle se souvient de son enfance à ville-frontière d’Huningue. Le dialecte alsacien,«une richesse, une ouverture», lui permettait de se faire comprendre outre-Rhin.«Mais les Français de l’intérieur nous traitaient de Boches. C’était terrible.» A l’école, ceux qui parlaient étaient punis. «J’ai dû chanter la Marseillaise devant tous les élèves», se rappelle Justin Vogel, président de l’OLCA (office pour la langue et la culture d’Alsace) et maire de Truchtersheim. Aujourd’hui, c’est cette génération d’enfants punis après-guerre, «les derniers à pouvoir encore transmettre l’alsacien»,qui milite pour un «dialecte décomplexé», qui ne soit «plus une honte» et s’érige contre un «Etat français qui a toujours tenté d’éradiquer les particularités régionales, tolérées une fois devenues folklore», selon Justin Vogel. Lui s’agace que«l’on parle encore de balkanisation de la France», «les moulins à vent du séparatisme tournent à vide». Et Christiane Eckert, à Mulhouse, d’insister «avec la charte, on ne fait pas le lit des régionalistes extrêmes, au contraire, on leur coupe l’herbe sous le pied, en s’emparant du symbole, la collectivité évite qu’il ne soit récupéré par des petits nazillons passéistes».
«LANGUE DE CONNIVENCE, DE FAMILIARITÉ»

Concrètement, à Saverne comme à Mulhouse, des agents seront formés au dialecte, sur la base du volontariat, pour accueillir les administrés en alsacien, «la langue de connivence, de familiarité». Il s’agit d’en finir avec ce que Jean-Marie Woehrling (association culture et bilinguisme) appelle «l’auto-censure réciproque», «des fonctionnaires qui se sentent obligés de parler français et des usagers qui n’osent plus utiliser leur langue». Il en est convaincu, «pour faire vivre la langue, il faut qu’elle existe dans l’espace public». Ainsi, à Mulhouse, les vœux du maire étaient proposés simultanément en alsacien, grâce à l’installation d’une cabine de traduction et des casques en libre-service. Sous le prochain mandat, c’est l’intégralité des débats du conseil municipal qui pourraient être ainsi traduits. La ville a d’ores et déjà recruté un agent ayant pour mission de décliner toutes les actions municipales en alsacien. Dans la rue, la signalétique s’affiche dans les deux versions. Et les formulaires administratifs sont traduits.
Même son de cloche à Saverne, où le maire UMP Stéphane Leyenberger insiste sur le fait que «la charte n’est pas une révolution, mais un renforcement de ce qui existe déjà» : des cursus scolaires bilingues (franco-allemand) et trilingues dans le privé (français, allemand, alsacien), du théâtre en alsacien… Le tout «avec un budget maîtrisé et raisonnable», assure l’édile qui se dit de la «génération sacrifiée», celle dont les parents s’interdisaient de parler alsacien et ne l’ont pas transmis. Un comité de suivi sera prochainement mis en place à Saverne pour veiller à l’application de la charte. Au contact avec les seniors, Nicole Hornberger, adjointe à l’action sociale, use de l’alsacien quotidiennement, «surtout pour les blagues et les chants». L’idée de pouvoir un jour faire ses discours officiels dans sa langue natale la laisse rêveuse. Mais pour sauver l'alsacien, il faut que les «jeunes aient envie de l’apprendre». Et là,«c’est pas gagné», lâche l’adjointe.

(Libération du 17 février 2014 )

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Les dialectes italiens
Autrefois , en Italie des dialectes diversifiés, propres à certaines zones géographiques, étaient souvent la seule langue parlée. Cependant, ces dialectes régionaux sont encore aujourd'hui plus fréquents que l'italien dans la vie courante et presque incompréhensibles . Ecoutez  cette belle chanson  de Fabrizio De André que  Luciano Ligabue a interprétée il y a quelques jours au Festival de la Chanson Italienne . Vivement les sous-titres…. !





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