Lassée
d'attendre l'Etat, la commune de Saverne a décidé d'anticiper la ratification
de la charte européenne des langues régionales. Mulhouse pourrait suivre.
Alors
que l’Etat français n’a pas encore ratifié la charte européenne des langues
régionales, des élus alsaciens prennent les devants et adoptent une
version régionalisée du texte. Le conseil municipal
de Mulhouse planche dessus ce lundi soir. La semaine dernière c’est Saverne qui
l’approuvait, une première européenne. «Le principe est le même, nous
avons simplement retiré tout ce qui concernait l’Etat et chaque collectivité
doit choisir 35 engagements sur les 75 listés», explique Pierre Klein,
président de la fédération Alsace bilingue.
L’organisation,
qui regroupe les principales associations défendant la culture et la langue
alsaciennes, est à l’origine d’un appel pour que l’Etat français ratifie enfin
la charte européenne. 3600 personnes ont signé, des acteurs du monde politique,
économique, culturel dont 167 maires. Et avec la campagne des municipales, le
lobbying de Pierre Klein semble porter ses fruits. Roland Ries (PS) à
Strasbourg s’est montré intéressé ainsi que le président du conseil général du
Haut-Rhin, Charles Buttner (UMP). «Cela prend bien»,sourit Pierre
Klein, expliquant qu’il n’avait d’autre choix que de court-circuiter l’Etat,
tant«il y a urgence à sauver l’alsacien et que le processus de ratification
national, s’il aboutit, pourrait traîner encore des années».
«ENVOYER UN
SIGNAL : UN PEU DE COURAGE!»
Cela
traîne déjà depuis deux décennies. La charte européenne des langues régionales
date de 1992, 25 Etats l’ont aujourd’hui ratifiée. Jospin avait fait une
tentative en 1999, mais il s’est heurté au veto du Conseil constitutionnel
rappelant que «la langue de la République est le français».
Ratifier le texte figurait parmi les engagements du candidat Hollande en 2012.
Fin janvier, les députés ont fini par se prononcer en faveur de cette
modification de la Constitution, permettant d’adopter la charte européenne.
La
proposition de loi doit encore être validée par le Sénat puis par référendum ou
sous forme de projet de loi constitutionnel, qui doit atteindre la majorité des
deux tiers au Congrès (réunion des deux chambres à Versailles). « En
adoptant cette charte localement, nous espérons faire pression sur le
gouvernement et lui envoyer un signal : un peu de courage !», lance
Christiane Eckert, adjointe au maire UMP de Mulhouse, en charge du dossier.
Elle
se souvient de son enfance à ville-frontière d’Huningue. Le dialecte alsacien,«une
richesse, une ouverture», lui permettait de se faire comprendre outre-Rhin.«Mais
les Français de l’intérieur nous traitaient de Boches. C’était terrible.» A
l’école, ceux qui parlaient étaient punis. «J’ai dû chanter la
Marseillaise devant tous les élèves», se rappelle Justin Vogel, président
de l’OLCA (office pour la langue et la culture d’Alsace) et maire de
Truchtersheim. Aujourd’hui, c’est cette génération d’enfants punis
après-guerre, «les derniers à pouvoir encore transmettre l’alsacien»,qui
milite pour un «dialecte décomplexé», qui ne soit «plus
une honte» et s’érige contre un «Etat français qui a toujours
tenté d’éradiquer les particularités régionales, tolérées une fois devenues
folklore», selon Justin Vogel. Lui s’agace que«l’on parle encore de
balkanisation de la France», «les moulins à vent du séparatisme tournent à
vide». Et Christiane Eckert, à Mulhouse, d’insister «avec la
charte, on ne fait pas le lit des régionalistes extrêmes, au contraire, on leur
coupe l’herbe sous le pied, en s’emparant du symbole, la collectivité évite
qu’il ne soit récupéré par des petits nazillons passéistes».
«LANGUE DE CONNIVENCE, DE
FAMILIARITÉ»
Concrètement,
à Saverne comme à Mulhouse, des agents seront formés au dialecte, sur la base
du volontariat, pour accueillir les administrés en alsacien, «la langue
de connivence, de familiarité». Il s’agit d’en finir avec ce que Jean-Marie
Woehrling (association culture et bilinguisme) appelle «l’auto-censure
réciproque», «des fonctionnaires qui se sentent obligés de parler français et
des usagers qui n’osent plus utiliser leur langue». Il en est convaincu, «pour
faire vivre la langue, il faut qu’elle existe dans l’espace public». Ainsi,
à Mulhouse, les vœux du maire étaient proposés simultanément en alsacien, grâce
à l’installation d’une cabine de traduction et des casques en libre-service.
Sous le prochain mandat, c’est l’intégralité des débats du conseil municipal
qui pourraient être ainsi traduits. La ville a d’ores et déjà recruté un agent
ayant pour mission de décliner toutes les actions municipales en alsacien. Dans
la rue, la signalétique s’affiche dans les deux versions. Et les formulaires
administratifs sont traduits.
Même
son de cloche à Saverne, où le maire UMP Stéphane Leyenberger insiste sur le
fait que «la charte n’est pas une révolution, mais un renforcement de
ce qui existe déjà» : des cursus scolaires bilingues (franco-allemand)
et trilingues dans le privé (français, allemand, alsacien), du théâtre en
alsacien… Le tout «avec un budget maîtrisé et raisonnable», assure
l’édile qui se dit de la «génération sacrifiée», celle dont les parents
s’interdisaient de parler alsacien et ne l’ont pas transmis. Un comité de suivi
sera prochainement mis en place à Saverne pour veiller à l’application de la
charte. Au contact avec les seniors, Nicole Hornberger, adjointe à l’action
sociale, use de l’alsacien quotidiennement, «surtout pour les blagues
et les chants». L’idée de pouvoir un jour faire ses discours officiels
dans sa langue natale la laisse rêveuse. Mais pour sauver l'alsacien, il faut
que les «jeunes aient envie de l’apprendre». Et là,«c’est pas
gagné», lâche l’adjointe.
(Libération
du 17 février 2014 )
Résumez l'article
Les dialectes italiensAutrefois , en Italie des dialectes diversifiés, propres à certaines zones géographiques, étaient souvent la seule langue parlée. Cependant, ces dialectes régionaux sont encore aujourd'hui plus fréquents que l'italien dans la vie courante et presque incompréhensibles . Ecoutez cette belle chanson de Fabrizio De André que Luciano Ligabue a interprétée il y a quelques jours au Festival de la Chanson Italienne . Vivement les sous-titres…. !
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