Ce qui plombe notre école
et le salaire des profs ? Selon une étude, ce n'est pas un sureffectif
enseignant mais les dépenses administratives, dues à une mauvaise organisation
de notre système éducatif.
Une fois de
plus la France se demande comment fait l’Allemagne pour être si performante.
Cette fois-ci il ne s’agit pas d’industrie, ni d’exportations ou d’innovations,
mais d’enseignement. En 2001, l’Allemagne fut catastrophée par les résultats de
la première édition de l’enquête Pisa, publiée par l’OCDE, qui compare le
niveau de formation des collégiens du monde entier, et que notre voisin
d’Outre-Rhin avait jugé humiliants.
A l’époque, la France était également totalement dans les
choux, au même niveau que l’Allemagne, mais chez nous cela n’avait pas déclenché la moindre réaction.
Ou plutôt une réaction consternante : les responsables de l’Educ Nat
avaient décidé de boycotter l’enquête Pisa en prétendant qu’elle n’était pas
adaptée aux spécificités des Français. Cette bouderie ridicule ne dura pas,
mais l’enquête continua de sortir, tous les trois ans, sans provoquer d’effet
en France malgré une poursuite de la dégringolade : nous y étions 16e en
2003, 18e en 2006, 22e en 2009 pour finir 25e cette année. Il a fallu attendre ce
niveau pour que l’affaire prenne la dimension d’un événement national
relaté dans tous les médias, comme ce fut le cas en Allemagne il y a dix
ans. Aujourd’hui, nous nous nous retrouvons trois rangs derrière notre voisin
pour la lecture, neuf rangs derrière pour les maths et 14 rangs derrière pour
les sciences.
Peut-être, comme l’Allemagne il y a 13 ans, allons-nous
aujourd’hui prendre conscience que pour redresser la barre, il faut entreprendre une vraie
révolution dans notre enseignement ? Pour se redresser, les Allemands
ont impliqué à fond les enseignants. Et cela a bien fonctionné pour une raison
simple : chez notre voisin d’Outre-Rhin, les profs gagnent 34% de plus
qu’en France. C’est une preuve de considération qui motive leur implication.
21.500
écoles de plus en France
Pourtant, globalement, la France dépense 20 milliards de
plus que l’Allemagne pour son système éducatif primaire et secondaire. Pourquoi
cet argent ne se retrouve pas dans la poche des profs ? La réponse est
clairement décrite par une étude publiée en 2012 par
un think tank libéral, l’Institut Thomas More. Certains objecteront que nous
pourrions puiser nos données à une source moins engagée. En fait, peu importe
l’orientation idéologique de cet institut, seuls nous intéressent ici les
chiffres qu’il a réunis, qui proviennent d’Eurostat et de l’OCDE , et qui n’ont
pas été démentis.
Cette étude
montre que ce qui nous coûte le plus, et de loin, ce n'est pas le trop plein de
profs, c’est la lourdeur de l’organisation de notre système éducatif primaire
et secondaire. Nous gérons 49.160 établissements, là où les Allemands n’en ont
que 28.181. Nous avons 21.500 écoles de plus que nos voisins, avec les frais
que cela induit ! Certes notre démographie n’est pas la même, mais 132%
d’écoles en plus c’est beaucoup, tandis que notre population est 20% inférieure
à celle de l’Allemagne. Chez nous, 50% de la dépense éducative va à des frais
de gestion et de structures, contre 34% en Allemagne. Et c'est au détriment de
la masse salariale des profs qui, chez nous ne représente que 31% de la dépense
contre 51% en Allemagne. Les deux facteurs sont inversés : chez nous des frais
de gestion, chez eux des frais de salaires.
16.200
euros de moins pour les profs français
Au final, le
salaire moyen d’un enseignant français ressort à 31.021 euros contre 47.214
euros en Allemagne. On a souvent dit que nos profs étaient mal payés parce
qu’ils sont trop nombreux par rapport au nombre d’élèves. D’après cette
enquête, ce n’est pas vrai : nous avons une moyenne de 14,25 élèves par
enseignant contre 15,48 en Allemagne (le niveau bas de ce chiffre moyen étant
sans doute du au fait qu’il est calculé sans tenir compte du ratio
d’enseignants en formation, en détachement, en disponibilité, etc). Certes, si
on montait au même taux de nombre d'élèves par enseignant que l'Allemagne, cela
signifierait une réduction de 56 000 postes. Mais l'économie qui en résulterait
est dix fois inférieure à l'économie que permettrait une réorganisation de nos
établissements.
Nous avons
708.551 enseignants contre 758.728 en Allemagne. La raison du sous paiement des
profs français est donc bien due à la mauvaise organisation de notre système.
Nous n’avons pas su regrouper nos établissements. C'est la France des 36 000
communes. Nous comptons en moyenne 205 élèves par établissement contre 417 en
Allemagne. Notre dépense par élève se monte à 24% du PIB par habitant,
contre 17% en Allemagne. Mais notre surplus provient beaucoup plus de frais de
gestion que de frais d’enseignement.
Moins de
frais de ramassage scolaire
A noter que
les Allemands, malgré 21.000 écoles primaires de moins que nous, n’ont pas une
dépense en ramassage scolaire supérieure à la nôtre, elle est même
inférieure : 1,9 milliards d’euros contre 2,3 en France.
L’étude aboutit à la conclusion que si nous avions le
même nombre d’élèves par établissement et le même niveau de dépenses publiques
par établissement qu’en Allemagne, nous dépenserions 13,6 milliards d’euros en
moins. En supposant que cette somme soit reversée à nos 700.000 enseignants,
leur revenu bondirait d’environ 20.000 euros par an, rejoignant celui de leurs
collègues allemands… Autrement dit, au lieu de vivre toute fermeture
d’école comme une tragédie, nous devrions, en France, prendre conscience qu’une organisation plus
concentrée, plus coopérative, mois dispersée serait une grosse source
d’économies de gestion à redéployer vers l’investissement pédagogique.
A ce jour,
on a beaucoup disserté de ce qu’il convient de faire pour "refonder
l’école", mais cette approche concernant l’arbitrage entre nos dépenses de
gestion et nos dépenses d’enseignement n’a jamais été soulevée.
Patrick
Fauconnier - Le Nouvel Observateur du 7 décembre 2013
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