jeudi 7 novembre 2013

Centenaire de la naissance d'Albert Camus


Cent ans après sa naissance, le 7 novembre 1913, Albert Camus reste une figure mythique de la littérature française et mondiale, tant par sa pensée visionnaire, sa soif de justice que son itinéraire exceptionnel.
Des quartiers populaires d'Alger au prix Nobel de littérature à seulement 44 ans, ce destin hors du commun fut tragiquement interrompu à 46 ans par un accident de voiture dans le centre de la France le 4 janvier 1960.
"Aujourd'hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas": à 29 ans, Camus signait par cet incipit inoubliable son entrée parmi les grands auteurs. Avec près de huit millions d'exemplaires vendus, "L'étranger", son premier roman publié en 1942 et traduit dans une quarantaine de langues, est le best-seller absolu.
"La peste" s'est vendu à plus de quatre millions d'exemplaires et les ventes de ses livres tous confondus ont augmenté de 4,5% entre 2008 et 2012, selon Gallimard, son éditeur français, qui estime qu'il est "certainement l'écrivain français du XXe siècle le plus connu, le plus cité, et le plus traduit à l'étranger", avec une œuvre composée d'une trentaine d'ouvrages, dont des pièces de théâtre.
Forts de cette popularité, beaucoup ont tenté de se réapproprier l'irréductible homme libre. Mais si Camus continue d'éblouir autant qu'il dérange, il ne "se récupère pas", dit Frédéric Worms, directeur du centre international de philosophie française à l'Ecole normale supérieure (ENS).
Selon M. Worms, Camus, qui intéresse autant un Américain, un Indien ou un Chinois, est plus que jamais d'actualité. Des expériences comme l'économie solidaire, le microcrédit, l'accompagnement des personnes en fin de vie ou les révolutions arabes sont "très camusiennes", estime-t-il.
Car elles traduisent sa philosophie : "résister et instituer des limites pour lutter contre la mort et la misère donc aussi interdire la peine de mort, ne pas employer la terreur pour lutter contre la terreur", souligne M. Worms.
L'absurdité du monde
Philosophe accessible, il l'est à travers ses romans qui décrivent des expériences humaines concrètes et sensuelles aussi, dans leur évocation de la nature et de l'amour ("Noces à Tipasa"). Camus porte un regard humaniste sur la planète, milite pour plus de justice et de liberté tout en reconnaissant les limites de la condition d'être humain mortel et l'absurdité du monde.
Camus a vu le jour en Algérie dans un milieu extrêmement modeste, ce qui le distingue dès le départ des autres intellectuels français. Sa mère, femme de ménage, ne sait ni lire ni écrire.
C'est son instituteur qui le repère et réussit à lui faire suivre des études. C'est à lui que Camus dédiera en 1957 son discours du Nobel.
"Camus a conquis la langue française en allant au lycée, elle ne lui était pas donnée comme elle l'était à son frère ennemi, Jean-Paul Sartre, un bourgeois", souligne l'un de ses biographes, le journaliste Olivier Todd.
Camus disait se sentir "embarqué plutôt qu'engagé". En 1942, installé à Paris, il entre à "Combat", l'un des titres clandestins de la Résistance dont il sera le principal éditorialiste.
Il publie la même année "Le mythe de Sisyphe" un essai dans lequel il expose sa philosophie de l'absurde: l'homme est en quête d'une cohérence qu'il ne trouve pas dans la marche du monde.
"L'une des seules positions philosophiques cohérentes, c'est ainsi la révolte", écrit-il. Mais Camus pose la question des moyens: tous ne sont pas acceptables pour atteindre le but que l'on s'est fixé.
Engagé à gauche, il dénonce le totalitarisme en Union soviétique dans "L'homme révolté" (1951) et se brouille avec Jean-Paul Sartre.
Pendant toutes ces années, Camus est un homme seul et la guerre d'Algérie l'isole un peu plus. Son appel à la "Trêve pour les civils" lancé en janvier 1956 l'éloigne de la gauche, qui soutient la lutte pour l'indépendance algérienne.
L'ENS et l'Université américaine de Paris organiseront les 3 et 4 décembre un colloque international sur l'écrivain avec des intervenants des cinq continents, notamment d'Inde et de Chine. Une exposition sera inaugurée à cette occasion à l'ENS avant de faire le tour du monde.
AFP le 7 novembre 2013

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