Le géant des cosmétiques multiplie les petits formats
pour être présent dans plus de 1,5 million de points de vente traditionnels
dans le pays.
«L'Inde est un torture test, prévient en souriant
Jochen Zaumseil, patron de la division Asie Pacifique de L'Oréal. Un pays émergent extrême.» Le
leader mondial des cosmétiques a créé une filiale dans le pays dès 1995, la
même année qu'en Chine. Avec 240 millions d'euros de chiffre d'affaires,
L'Oréal India est aujourd'hui six fois moins gros que L'Oréal China. Dans
l'empire du Milieu, le groupe a profité de l'explosion des classes moyenne et
supérieure et du développement de réseaux de distribution modernes. Pour
réussir dans les hypermarchés, parfumeries et autres grands magasins chinois,
les Loréaliens ont déployé la même stratégie qu'en Occident.
En Inde, la situation s'est révélée beaucoup plus
complexe. Le réseau d'hypermarchés reste embryonnaire et celui des parfumeries
inexistant. Même si le gouvernement indien vient tout juste d'autoriser les
chaînes d'hypermarchés étrangères à s'implanter dans le pays, la distribution
grand public restera dominée par les 5 millions de «kiranas», des échoppes
traditionnelles rudimendaires en apparence, mais en voie de modernisation. «Les
patrons de kirana sont connectés à Internet, prennent les commandes par
téléphone et sont capables de livrer à domicile en 15 minutes», témoigne
Pierre-Yves Arzel, le nouveau patron de L'Oréal India. «L'Inde est une grande
économie de gens modestes, avec beaucoup de haute technologie et pas assez
d'infrastructure, ajoute Rama Bijapurkar, gourou des géants de la grande
consommation en Inde. Pour réussir, il faut s'adapter au contexte et ne pas se
contenter de s'adresser aux 20 % des Indiens les plus riches, qui ne
réalisent que 40 % des dépenses.»
En Inde, trois quarts des ventes de shampoing sont
ainsi réalisées avec des sachets de 5 ml et 7 ml vendus 1,5 et
3 roupies (soit 2 et 4 centimes d'euro). «Au début, nous n'avions pas
compris le marché, reconnaît Jochen Zaumseil. Nous ne savions pas fabriquer pas
cher, et nous pensions que les sachets étaient réservés aux échantillons
insérés dans les magazines. De plus, nous avons mis du temps à comprendre que
ce n'est pas la taille ou le prix qui donne à une marque son caractère
aspirationnel.»
Une rude bataille
Une véritable révolution culturelle s'est peu à peu
opérée chez L'Oréal. Le shampoing fortifiant Fructis est ainsi désormais vendu
en quatre formats de bouteilles de 100 ml pour 65 roupies (moins d'un
euro), à 700 ml pour 299 roupies. Et surtout, depuis quatre ans, en
sachets. Grâce à ces références accessibles, Garnier est désormais présente
dans 750.000 kiranas. C'est plus de 60 % des points de vente du
groupe en Asie Pacifique, pour moins de 7 % du chiffre d'affaires dans la
région. L'Oréal ne compte pas s'arrêter là et vise le doublement de son réseau
de distribution en Inde, pour être présent dans 1,5 million de kiranas.
Les représentants de ses 600 distributeurs
doivent livrer une rude bataille face à Unilever et Procter. Les places sont
chères dans ces échoppes minuscules, où les bandelettes de sachets de shampoing
pendent, attachées à un fil. Le plus efficace consiste à financer des petites
vitrines aux couleurs de Garnier présentant shampoings et crèmes
éclaircissantes, avec des contrats renouvelés (ou non) tous les trois mois.
L'Oréal ne négligera aucun détail pour s'imposer sur ce marché au potentiel considérable.
Lefigaro.fr
du 16/09/2012
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