mercredi 19 septembre 2012

Les Ritals


Dans ce livre, Cavanna retrace son enfance de fils de Rital (nom argotique donné aux immigrés italiens) dans les rues de Nogent-sur-Marne où il a fait les 400 coups. Les différents chapitres de ce livre évoquent le fort de Nogent, la zone, lieu de construction privilégié des cabanes, les histoires de son père, sa fugue à quatorze ans et ses premières expériences.
Tout au long du livre, plus que de Ritals, Cavanna parle de son père et de ses conseils, transcrivant phonétiquement l'accent italien.
Récit d'enfance donc, placé dans la bouche du "gosse de ce temps-là revécu par celui qu'il est aujourd'hui, et qui ressent tellement fort l'instant qu'il revit qu'il ne peut pas imaginer l'avoir vécu autrement".
Le fils d'un maçon italien et d'une Morvandelle, qui grandit au milieu des purs Ritals, saute avec eux du temps des gamineries dans celui des jeux de l'adolescence, se paie une fugue et s'en repent, cherche sa place dans un monde soumis aux tentations des chemises rouges, noires ou brunes. Quant aux adultes de cette petite Italie, c'est Vidgeon qui domine tous les autres, Vidgeon planteur de pêchers, fabricant de mètres pliants, donneur de pain à qui en manque : son père.

Extrait 

Les Ritals, on est mal piffés. C’est parce qu’il y en a tellement, par ici. (…) Le genre de vacheries qu’on nous balance :  « Les Ritals, vous êtes bons qu’à jouer de la mandoline ! » (…) « Dans votre pays de paumés, on crève de faim, alors vous êtes bien contents de venir bouffer le pain des Français ! » Pardi. C’est normal, non ? S’ils se laissaient mourir sur leur tas de cailloux, les Ritals, on les traiterait de feignants. Ils vont là où il y a à bouffer. Là où un gars avec deux bras et cœur au ventre a une chance de dégotter un croûton au bout d’une journée de sueur.
Comme étrangers, par ici, y a que les Ritals. Papa m’a dit que dans le Nord c’est plein de Polacks. Des grosses brutes, des vraies bêtes sauvages. Ils arrachent les betteraves, c’est tout ce qu’on peut leur demander, et encore, si t’es pas tout le temps derrière leur cul ils les cassent avec leurs grosses pattes de Polacks, ils salopent tout. Ou alors ils vont dans les mines, piocher le charbon. Mais le bâtiment, ils pourraient pas, c’est trop fin, trop délicat. Faut avoir l’œil juste. Faut penser avec la tête.


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