En 1636 la paix
s’effrite. Les croquants soulèvent le Périgord. Et les Habsbourg prétendent
dominer l’Europe. Les partis se mobilisent alors pour ou contre les choix
politiques de Richelieu. Parti espagnol rassemblé autour de la reine, fille
d’Espagne ; parti d’opposition à l’Espagne. Les grands se dressent contre
Richelieu, qui veut renforcer l’État. C’est dans cette atmosphère plus tendue
que l’on joue Le Cid en janvier 1637. Le triomphe de la pièce fut
immédiat. Tant de spectateurs s’y pressaient qu’il fallut, contre tous les
usages, les placer dans tous les recoins du théâtre et même sur la scène.
Nul besoin de
raconter Le Cid, mais il faut dire comment il fut entendu par les
spectateurs de ce temps.
Le Cid est
d’abord le choc de deux temps historiques et de deux générations. Le couple
Chimène-Rodrigue incarne la jeunesse de l’époque de Louis XIII. En face de ce
couple élu se dressent les guerriers du temps d’Henri IV qui, au nom des
services rendus, prétendent imposer leur autorité à leurs enfants, mais aussi
au roi.
Conflit du père
et du fils : don Diègue exige de Rodrigue qu’il fasse sienne sa querelle
et remplisse un devoir barbare : « meurs ou tue », l’injonction
est inacceptable à une génération qui a connu la paix. Le Cid montre
aussi l’arrogance des grands à l’égard du roi. À don Arias qui lui oppose le
pouvoir du souverain, le comte crie son dédain « d’un sceptre qui sans moi
tomberait de ses mains ». Et il ajoute : « Désobéir un peu n’est
pas un si grand crime. » En tuant le père de Chimène, c’est le roi que
Rodrigue débarrasse en dernier ressort d’un grand bien encombrant.
Et l’on comprend
que le roi mette peu d’empressement à satisfaire l’appel à la justice de
Chimène, elle-même déchirée entre ce que lui commande la décence et son amour
pour Rodrigue. Le roi et Chimène se jouent ainsi à l’intérieur de la pièce une
comédie des apparences. Dans leur dialogue tout sonne faux, la rigueur du roi
et les cris de Chimène.
Le Cid pose
aussi la question espagnole qui vient de ressurgir ; les Espagnols ont
menacé Paris. Le récit par Rodrigue de sa victoire sur les Maures ne fait-il
pas écho aux récits de la reprise de Corbie ? Et les spectateurs de
s’interroger. Cette pièce serait-elle à la gloire de l’Espagne dont elle
présente une image éblouissante ? Ou des vainqueurs de Corbie ? Le
théâtre français a toujours été séduit par l’Espagne, une Espagne joyeuse,
ponctuée de chants d’amour et de combats, royaume de la jeunesse et d’une
certaine folie. On retrouvera cette fascination chez Victor Hugo et chez Paul
Claudel.
(Par Hélène Carrère d’Encausse)
1- Dites
ce que l’on apprend sur le contexte politique de 1637 et sur l’accueil du public
au Cid dans la présentation d’Hélène Carrère d’Encausse.
2- Identifiez
les personnages du Cid cités dans le texte . Indiquez pour chaque personnage
son rôle dans la pièce de Corneille.
3- D’après
Hélène Carrère d’Encausse, quelle est l’image de l’Espagne dans le théâtre
français ?
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