lundi 3 septembre 2012

Le Cid


En 1636 la paix s’effrite. Les croquants soulèvent le Périgord. Et les Habsbourg prétendent dominer l’Europe. Les partis se mobilisent alors pour ou contre les choix politiques de Richelieu. Parti espagnol rassemblé autour de la reine, fille d’Espagne ; parti d’opposition à l’Espagne. Les grands se dressent contre Richelieu, qui veut renforcer l’État. C’est dans cette atmosphère plus tendue que l’on joue Le Cid en janvier 1637. Le triomphe de la pièce fut immédiat. Tant de spectateurs s’y pressaient qu’il fallut, contre tous les usages, les placer dans tous les recoins du théâtre et même sur la scène.
Nul besoin de raconter Le Cid, mais il faut dire comment il fut entendu par les spectateurs de ce temps.
Le Cid est d’abord le choc de deux temps historiques et de deux générations. Le couple Chimène-Rodrigue incarne la jeunesse de l’époque de Louis XIII. En face de ce couple élu se dressent les guerriers du temps d’Henri IV qui, au nom des services rendus, prétendent imposer leur autorité à leurs enfants, mais aussi au roi.
Conflit du père et du fils : don Diègue exige de Rodrigue qu’il fasse sienne sa querelle et remplisse un devoir barbare : « meurs ou tue », l’injonction est inacceptable à une génération qui a connu la paix. Le Cid montre aussi l’arrogance des grands à l’égard du roi. À don Arias qui lui oppose le pouvoir du souverain, le comte crie son dédain « d’un sceptre qui sans moi tomberait de ses mains ». Et il ajoute : « Désobéir un peu n’est pas un si grand crime. » En tuant le père de Chimène, c’est le roi que Rodrigue débarrasse en dernier ressort d’un grand bien encombrant.
Et l’on comprend que le roi mette peu d’empressement à satisfaire l’appel à la justice de Chimène, elle-même déchirée entre ce que lui commande la décence et son amour pour Rodrigue. Le roi et Chimène se jouent ainsi à l’intérieur de la pièce une comédie des apparences. Dans leur dialogue tout sonne faux, la rigueur du roi et les cris de Chimène.
Le Cid pose aussi la question espagnole qui vient de ressurgir ; les Espagnols ont menacé Paris. Le récit par Rodrigue de sa victoire sur les Maures ne fait-il pas écho aux récits de la reprise de Corbie ? Et les spectateurs de s’interroger. Cette pièce serait-elle à la gloire de l’Espagne dont elle présente une image éblouissante ? Ou des vainqueurs de Corbie ? Le théâtre français a toujours été séduit par l’Espagne, une Espagne joyeuse, ponctuée de chants d’amour et de combats, royaume de la jeunesse et d’une certaine folie. On retrouvera cette fascination chez Victor Hugo et chez Paul Claudel.

(Par Hélène Carrère d’Encausse)



1- Dites ce que l’on apprend sur le contexte politique de 1637 et sur l’accueil du public au Cid dans la présentation d’Hélène Carrère d’Encausse.


2- Identifiez les personnages du Cid cités dans le texte . Indiquez pour chaque personnage son rôle dans la pièce de Corneille.


3- D’après Hélène Carrère d’Encausse, quelle est l’image de l’Espagne dans le théâtre français ?



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