jeudi 12 janvier 2012

Entre les murs


Par son titre même Entre les murs nous promet de nous faire entrer dans un espace ordinairement dérobé aux regards, l’institution scolaire et plus particulièrement la salle de classe.
On pourra souligner la très grande précision avec laquelle Entre les murs décrit l’institution scolaire  : il nous en montre non seulement les acteurs (des plus évidents, le prof et ses élèves, aux plus inattendus comme l’intendant) et les décors physiques, mais aussi les rouages et lieux de pouvoir : conseil d’administration, conseil de classe, conseil de discipline.
Il n’est  pas fortuit que le film se déroule dans un collège : depuis l’instauration de la scolarisation obligatoire jusqu’à 16 ans (1959) et la réforme du « collège unique » (parachevée par la loi Haby de 1975), le collège a pour vocation d’accueillir au sein d’un même cursus l’ensemble d’une classe d’âge, et de préparer sa future orientation dans (lycée général, lycée professionnel) ou hors du système éducatif. La classe de ce « collège difficile » mise en scène dans Entre les murs est à l’image de cette diversité sociale, et le film n’a pas besoin de sortir de l’enceinte de l’établissement pour laisser deviner son hors-champ.
On peut à ce propos s’interroger sur la périphrase « collège difficile » qu’emploie le synopsis du film : celle-ci reflète d’abord le point de vue des enseignants, confrontés à l’hétérogénéité (ethnique, sociale, scolaire) de leur « public », mais également à une réalité sociale parfois dramatique (on les voit s’interroger sur
les conséquences de l’exclusion de Souleymane, ou se mobiliser contre l’expulsion de la mère sans papiers de Wei). Mais cette difficulté d’enseigner a pour corollaire la difficulté d’apprendre et le fossé qui se creuse inexorablement avec les établissements plus favorisés.
Entre les murs se clôt avec l’année scolaire par un match de football dans la cour du collège, opposant l’équipe des enseignants et celle des élèves. A cette image d’une communauté harmonieusement recomposée dans le jeu, le film aura opposé une réalité plus conflictuelle. Entre les murs pose en effet explicitement la question du « vivre ensemble » au sein du collège, espace d’apprentissage et d’exercice de la démocratie (les élèves ont gagné, ces trente dernières années, toute une série de droits garantis par la loi et formalisés dans les règlements intérieurs) mais marqué par la contrainte (le titre ne fait pas pour rien référence à l’univers carcéral) et traversé par la relation dissymétrique entre adultes et adolescents. Les questions de l’autorité et de sa légitimité, de la justice et de la sanction, de la réciprocité ou non des droits et des devoirs, reviennent comme un leitmotiv tout au long du film.
Mais Entre les murs est loin de se résumer à une opposition entre enseignants et élèves. Les deux communautés apparaissent profondément diverses et divisées. Les élèves se révèlent souvent cruels les uns envers les autres (ainsi Esmeralda soulignant que Wei est le seul à ne pas connaître le mot « autrichien »), quand ne les opposent pas des conflits plus violents (qui prennent souvent, en paroles en tout cas, une dimension identitaire). Il n’y a que
quand il se sent attaqué en tant que groupe (vous êtes comme des enfants de dix ans) que le « bloc classe » se constitue et se dresse contre l’enseignant. Quant au groupe des enseignants il apparaît comme une somme d’individualités plutôt que comme une communauté soudée, à l’image d’un François Marin à la fois engagé dans la vie de l’établissement (il est délégué au conseil d’administration et au conseil de discipline) mais plutôt solitaire dans sa pratique. La savoureuse discussion en conseil d’administration sur l’instauration d’un « permis à points » montre la difficulté à se mettre d’accord sur une norme commune à imposer aux élèves.

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