dimanche 29 mars 2015

Le 7e continent de plastique ...




Le "7e continent de plastique". On le décrit comme une immense plaque de déchets évoluant dans le nord de l'océan Pacifique, de la taille d'un tiers des Etats-Unis ou de six fois la France. Aussitôt se forme à l'esprit l'image d'un gigantesque amas compact de sacs plastiques, bouteilles, filets et autres bidons...
En réalité, ce phénomène, qui effraye et fascine à la fois, ressemble plus à une "soupe de plastique" constituée de quelques macro déchets éparses, mais surtout d'une myriade de petits fragments. "L'image d'un continent sert à sensibiliser le grand public, mais ne rend pas compte de la réalité, explique François Galgani, océanographe et chercheur spécialiste des déchets à l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer). Il s'agit plutôt d'une multitude de micro-plastiques, d'un diamètre inférieur à 5 mm, en suspension à la surface ou jusqu'à 30 mètres de profondeur, difficiles à voir de loin. Mais quand on puise dans l'eau, on en remonte une quantité impressionnante.
Cette pollution, invisible depuis l'espace, se retrouve dans cinq grand bassins océaniques, au sein du Pacifique Nord, mais aussi du Pacifique Sud, de l'Atlantique Nord et Sud et de l'océan Indien. Ces zones sont en effet caractérisées par la rencontre de courants marins qui, influencés par la rotation de la Terre, s'enroulent dans le sens des aiguilles d'une montre dans l'hémisphère nord, et en sens inverse dans l'hémisphère sud, selon le principe de la force de Coriolis, et forment d'immenses vortex appelés gyres océaniques. La force centripète aspire alors lentement, en plusieurs années, tous les détritus qui flottent sur l'eau vers le centre de la spirale, où ils s'amalgament et d'où ils ne sortent jamais.
"LA GRANDE POUBELLE DU PACIFIQUE"
La première plaque de déchets, et la plus importante, a été découverte par hasard par le navigateur Charles Moore en 1997. Au retour d'une course à la voile entre Los Angeles et Honolulu, l'explorateur avait décidé de prendre une route habituellement évitée par les marins, au centre de la gyre du Pacifique Nord, où les pressions sont hautes et les vents faibles. "Jour après jour, je ne voyais pas de dauphins, pas de baleines, pas de poissons, je ne voyais que du plastique", se souvient-il.
Débute alors sa lutte contre le plastique. Charles Moore met à contribution les scientifiques de son ONG, l'Algalita Marine Research Foundation, pour mettre au point une méthode de quantification des déchets en filtrant l'eau des océans. Sept expéditions sont menées dans cette zone de 3,4 millions de km2, que l'on surnomme rapidement le "Great Pacific Garbage Patch" (la "grande poubelle du Pacifique"). L'équipe y dénombre 334 271 fragments de plastique par km2 en moyenne, avec des pics à 969 777 fragments par km2. La masse de plastique y est six fois plus élevée que celle du plancton, pour un poids estimé de plusieurs dizaines de milliers de tonnes à plusieurs millions, selon différentes études, dont les modes de calcul et résultats divergent.
Afin de mieux connaître cette zone encore largement inexplorée, car trop vaste, une nouvelle expédition scientifique, française cette fois, est en préparation. Le skipper guyanais Patrick Deixonne, membre de la Société des explorateurs français et fondateur de l'entreprise d'expéditions Ocean Scientific Logistic, doit ainsi partir de San Diego d'ici à la fin mai pour un périple d'un mois et 2 500 milles entre la Californie et Hawaï. "Notre but est d'alerter sur la pollution sournoise en cours dans cette zone, qui s'avère très peu médiatisée en Europe", explique l'explorateur. Le bateau, une goélette des années 1930, sera guidé par des satellites pour se rendre là où la concentration de déchets est la plus forte afin d'en mesurer la densité, avec des prélèvements d'eau, de plancton et de fragments, puis de cartographier les zones polluées.
PLAQUES DE L'ATLANTIQUE ET DE LA MÉDITERRANÉE
Des recherches sont également menées dans les autres océans. En 2010, une nouvelle plaque de déchets, celle de l'Atlantique nord (The North Atlantic Garbage Patch), est découverte au large des Etats-Unis par une équipe de chercheurs de la Sea Education Association, une organisation privée de recherche, de la Woods Hole Oceanographic Institution, plus grand institut mondial privé d'études océanographiques à but non lucratif, et de l'université de Hawaï, dont les conclusions sont publiées dans la revue américaine Science. Résultat : dans cette zone, d'une taille comparable à celle de sa voisine du Pacifique, les eaux renferment jusqu'à 200 000 débris par km2. "Le poids total des déchets ne dépasse toutefois pas les 1 100 tonnes de plastique", note François Galgani.
Le chercheur est à l'origine d'une autre expédition, en Méditerranée cette fois. Si aucun gyre permanent n'y existe, des tourbillons ponctuels et les importants rejets des Etats côtiers entraînent aussi une accumulation de détritus. En 2010, l'expédition MED (Méditerranée en danger) évalue à une moyenne de 115 000 particules par km2 les déchets qui contaminent la mer. "Là encore, le poids total de ces plastiques est moins impressionnant : 600 tonnes, à raison d'une moyenne de 1,8 mg par déchet. Mais le risque, c'est de voir ces quantités augmenter considérablement avec le temps, la Méditerranée étant quasi-fermée", explique François Galgani.
AGGRAVATION DU PROBLÈME
Les déchets qui peuplent les océans proviennent en effet à 80 % des terres, portés par le vent ou les rivières – le reste tombant des navires de commerce. Jusqu'alors, les débris flottants étaient détruits par les micro-organismes, mais cela n'est plus le cas avec l'arrivée des plastiques, essentiellement du polyéthylène, du polypropylène et du PET, qui constituent 90 % des déchets maritimes. Or, ces quantités ne cessent d'augmenter. On estime que 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année dans le monde, dont près de 10 % finissent dans les océans. (…) la concentration de déchets va aller grandissante au cours de la décennie .
Une preuve de cette aggravation du phénomène vient d'être apportée par une nouvelle étude de l'université de Californie à San Diego, publiée (…) par la revue Biology Letters de la Royal Society britannique. Selon les chercheurs, la concentration de microplastiques a été multipliée par cent au cours des quarante dernières années dans le gyre subtropical du Pacifique nord.
Or, ces plastiques mettent des centaines d'années à se dégrader. Et si la lumière du soleil photodégrade quelque peu les chaînes des polymères plastiques, en les fractionnant en morceaux, ce phénomène ne fait en réalité qu'empirer les choses. Devenu plus petit, le plastique constitue une grave menace pour la biodiversité : il peut ainsi être ingéré par les poissons, oiseaux et autres organismes marins, suscitant blessures et étouffements. Sans compter que ces déchets génèrent des substances toxiques dans les océans et peuvent créer un déséquilibre des écosystèmes.


Que faire contre ces poubelles flottantes ? Si des opérations de nettoyage des gyres ont déjà été entreprises ou sont à l'étude, comme le projet américain Kaisei, la tâche paraît titanesque étant donné l'ampleur des zones contaminées et le nombre de micro-fragments. D'autant que ces déchets se trouvant essentiellement hors des eaux nationales et des Zones économiques exclusives, aucun Etat ne veut en assumer la responsabilité ni le coût.
"Le plus accessible serait de se concentrer sur le nettoyage des canaux et rivières qui débouchent dans les océans, ainsi que les plages, afin de prévenir une accumulation de déchets plus au large et en profondeur, explique Marieta Francis, directrice exécutive de l'Algalita Marine Research Foundation. Mais l'essentiel est surtout de réduire la quantité de déchets produite, en limitant la consommation d'emballages, en les recyclant et les réutilisant au maximum et en recherchant d'autres alternatives, comme des plastiques biodégradables ou compostables, du papier ou de l'aluminium."
Le Monde.fr  par Audrey Garric



1. Résumez l'article 

2. Quelles solutions pour enrayer le phénomène?

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