Le constat est de plus en plus partagé: alors qu'une plus
grande intégration européenne est rendue nécessaire par la montée des
pays-continents émergents et souhaitable pour défendre les valeurs de la
civilisation européenne dans la mondialisation, les récents élargissements
rendent toute évolution du projet européen lourde et hasardeuse. Le projet
européen a donc besoin d'un nouveau souffle afin de réconcilier les citoyens
européens avec une Europe aux contours flous, davantage perçue comme une
contrainte que comme une construction positive.
La difficulté vient du fait que le projet européen est en
réalité protéiforme: les différents pays composant l'Union ne visent pas le
même niveau d'intégration ni les mêmes objectifs stratégiques. La construction
européenne doit en prendre acte en repensant son architecture. Tandem
franco-allemand, retour à l'Europe des six, renforcement de la zone Euro,…
multiples sont les propositions sur la table, sans qu'aucune ne soit parvenue à
s'imposer à ce jour. Pour relancer le débat et sortir des idées simplistes, il
est proposé ici de structurer l'Union Européenne autour de trois cercles
concentriques, répondant à trois logiques d'intégration différentes.
Le premier cercle: un
noyau dur visant la convergence et la mise en commun
Pour redonner une impulsion nouvelle à une Europe qui semble
aujourd'hui sclérosée, il apparaît nécessaire de se recentrer sur un cercle
restreint de pays européens puissants et moteurs, un noyau dur dont l'objectif
serait une convergence économique et sociale progressive et la mise en commun
de nouvelles politiques.
Ce noyau dur pourrait, dans un premier temps, être constitué
des principaux pays membres de la zone Euro (Allemagne, France, Italie,
Espagne, Pays-Bas, Belgique), qui représentent à eux seuls, en termes de PIB,
64% de l'UE, 87% de la zone Euro et 1,3 fois celui de la Chine.
Concrètement, ce noyau dur pourrait avoir une représentation
unique au sein des enceintes de l'UE, de la zone Euro et des institutions
financières internationales (G20, FMI, Banque Mondiale, OMC,…) ; faire
converger progressivement ses règles sociales et fiscales (avec la mise en
place d'un «serpent fiscal») ; disposer d'un budget commun abondé par un impôt
sur les sociétés harmonisé, certaines cotisations sociales et une partie de la
TVA ; financer un système d'assurance-chômage uniformisé, des grands projets de
R&D et d'infrastructures et certains coûts relatifs au vieillissement de la
population.
Le deuxième cercle:
une zone économique basée sur la coordination et la coopération
Si la crise a mis au grand jour les failles de la
construction économique et monétaire européenne, elle a également permis des
avancées considérables concernant la gouvernance de la zone Euro. Plutôt que de
laisser tomber la Grèce, des outils ont été mis en place pour renforcer la
solidarité et la coordination des politiques économiques entre les Etats
membres.
Il s'agit, en particulier, d'éviter la mise en place de
politiques économiques non-coopératives entre les Etats membres et d'achever
l'union bancaire qui est un projet aussi important que ne l'était la mise en
place d'une monnaie unique. Plutôt que de viser à la convergence entre des
Etats qui sont aujourd'hui trop disparates, il s'agit de rédiger le règlement
de copropriété de ce bien commun qu'est l'Euro.
Un Trésor de la zone Euro pourrait être mis en place, en
charge de réaliser les prévisions macroéconomiques au sein de la zone,
d'analyser les budgets et les politiques économiques nationales et de gérer un
véritable Fonds Monétaire Européen qui serait mobilisé en cas de tension
passagère sur le refinancement de certains Etats.
Le troisième cercle:
un espace de libre-échange régit par l'Etat de droit
Pour définir le troisième cercle de manière positive, il
faut s'appuyer sur deux conquêtes essentielles de la construction européenne:
la promotion de l'Etat de droit, de la paix et des droits de l'homme et la
constitution d'un vaste marché commun basé sur le libre-échange.
Ce troisième cercle symbolise, en quelque sorte, la vocation
universelle de l'Union Européenne au sein du nouveau monde globalisé. Il aurait
donc vocation à se rapprocher avec le Conseil de l'Europe et sa Cour Européenne
des Droits de l'Homme (CEDH) et à s'appuyer sur le Service Européen d'Action
Extérieure (SEAE) dont les missions seraient recentrées sur la promotion des
droits de l'Homme, la lutte contre le réchauffement climatique, la
non-prolifération d'armes de destruction massive.
Sur le plan économique, en plus du perfectionnement du
marché commun, ce troisième cercle disposerait de la Banque Européenne
d'Investissement dont l'objectif serait de soutenir les grands projets
d'investissement à l'échelle du continent ainsi que les exportateurs européens
à l'international.
Ce troisième cercle ayant des prétentions universelles, il
n'y a pas de raison de le limiter géographiquement a priori. Au contraire, c'est
un formidable défi pour l'Europe que d'essayer de diffuser le plus largement
possible la paix, l'Etat de droit et la prospérité économique, afin de
«civiliser» la mondialisation, en commençant par une politique active de
voisinage.
Ainsi, la question de l'élargissement de ce troisième cercle
pourrait être dédramatisée vis-à-vis d'une opinion publique méfiante dès lors
qu'il est bien clair que l'intégration politique relève du premier cercle et
l'intégration économique du second.
Une telle évolution de l'Union Européenne est très
ambitieuse mais pourrait néanmoins être acceptée en raison du recentrage sur un
noyau dur qui est proposé. Plus que l'intégration européenne, c'est la dilution
sans fin de l'UE et sa transformation en ogre bureaucratique que les citoyens
craignent.
Résumez l'article en quelques lignes
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