mercredi 30 janvier 2013

Quarante ans de scepticisme britannique à l'égard de l'Europe



En promettant, mercredi 23 janvier, un référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l'Union européenne (d'ici à 2017, s'il est réélu pour un second mandat), le premier ministre britannique, David Cameron, a fait un nouveau pas en direction des eurosceptiques, nombreux dans le camp conservateur. En novembre, un sondage révélait que 56 % des Britanniques souhaitait une sortie de leur pays de l'UE. Parmi eux, 68 % des sympathisants conservateurs approuvaient cette option, contre 44 % des travaillistes (39 % pour le maintien) et 39 % des libéraux (47 % pour).


Cette annonce s'inscrit dans une tradition d'euroscepticisme britannique à l'égard de l'UE qui s'est développée peu après l'adhésion du pays en 1973, lorsque Londres a constaté la volonté de ses partenaires européens d'aller au-delà d'une simple coopération économique. Passage en revue des principales frictions entre Londres et Bruxelles.

  • 1973 : adhésion après deux refus de la France

Enthousiastes à l'idée de rejoindre le marché commun européen, aux perspectives commerciales prometteuses, les Britanniques engagent leur processus d'adhésion à la Communauté économique européenne (CEE) dès le début des années 1960. Mais Charles de Gaulle y oppose deux veto, en 1963 et 1967, dénonçant un "cheval de Troie des Etats-Unis". Le président français argue que l'économie britannique est incompatible avec les règles communautaires.

Mais deux ans après le départ du pouvoir de De Gaulle, son successeur, Georges Pompidou, rouvre la porte au processus d'adhésion, finalisé le 23 juin 1971 au Luxembourg. Le Royaume-Uni entre officiellement dans la CEE en 1973.

  • Dès 1979, le refus du SME

Frappés par la crise économique des années 1970, les Européens décident de mettre en place en 1979 le Système monétaire européen (SME), au sein duquel les taux de change des monnaies ne doivent pas fluctuer au-delà de 2,25 %, à la hausse comme à la baisse.

Sur les neuf membres que compte la CEE, seul le Royaume-Uni refuse d'y participer. Les Britanniques, qui réalisent une part très importante de leurs échanges en dollars du fait de leur proximité avec les Etats-Unis, sont par conséquent moins enclins à faire converger la livre sterling avec leurs partenaires européens.

Le Royaume-Uni adhérera finalement au SME en 1990, avec 6 % de marge de fluctuation, et un objectif politique : affaiblir la domination franco-germanique sur la CEE. Mal préparée, cette entrée a été un véritable échec et les Britanniques quittent le SME dès 1992 avec une forte dévaluation.

  • Thatcher sur la PAC : "I want my money back"

"Ce que je veux, (...) c'est tout simple : je veux qu'on me rende mon argent" ("I want my money back"). Le 30 novembre 1979 à Dublin, quelques mois après son arrivée au pouvoir, la première ministre britannique, Margaret Thatcher, prononce cette phrase, entrée dans la postérité, en répondant à un journaliste du Guardian. Le Royaume-Uni donnant alors plus d'argent à la CEE qu'il n'en reçoit, Mme Thatcher réclame le remboursement des deux tiers de la contribution britannique au budget européen. Principale visée : la politique agricole commune (PAC), qui représentait deux tiers des dépenses de la CEE (environ 40 % aujourd'hui), et dont le Royaume-Uni ne bénéficiait que peu.

La crise interne durera cinq ans, jusqu'en 1984, quand les autres Etats européens céderont en accordant un rabais (le "chèque britannique") sur la contribution du Royaume-Uni à la PAC. Toujours en vigueur, le "chèque britannique" représente environ 26 milliards de livres sterling (plus de 31 milliards d'euros) sur la période 2007-2013. Régulièrement critiqué par les autres Etats membres, il est l'un des points sensibles des discussions sur le prochain budget de l'UE. Mais le gouvernement britannique a déjà annoncé qu'il ne céderait pas sur ce point.

  • En 1992, le refus de l'euro

Le traité sur l'Union européenne est signé à Maastricht, aux Pays-Bas, le 7 février 1992. Il est divisé en plusieurs protocoles (politique, économique, social, citoyenneté européenne). Le Royaume-Uni du conservateur John Major refuse de participer au protocole social, qui prévoit notamment l'élargissement des compétences communautaires à la promotion de l'emploi, l'amélioration des conditions de vie et de travail ou encore la protection sociale.

Accompagnés de la Suède et du Danemark, les Britanniques refusent également de s'engager dans la future monnaie unique. "Je pense que cela causerait un dommage économique immense en Europe, déclarait John Major en 1991. Tant qu'il n'y a pas de convergence véritable des économies, vous courez au désastre si vous allez à la monnaie unique."

  • En 2011, Cameron refuse le nouveau traité européen

En pleine crise de l'euro, plombé par la dette grecque, les chefs d'Etat et de gouvernement européens trouvent un accord pour renforcer la discipline budgétaire. Le traité européen de stabilité, de coordination et de gouvernance (TSCG) instaure notamment une "règle d'or" qui fixe le plafond de la dette publique des Etats – sous peine de sanctions – à 60 % du produit intérieur brut (PIB).

Accompagné de la République tchèque, le Royaume-Uni pose son veto, mais les autres Etats membres passent outre en signant leur propre accord, que Londres ne signe donc pas. "Pour accepter une réforme des traités à vingt-sept, David Cameron a demandé, ce que nous avons considéré tous comme inacceptable, un protocole dans le traité permettant d'exonérer le Royaume-Uni d'un certain nombre de réglementations sur les services financiers", explique alors le président français, Nicolas Sarkozy.

De son côté, David Cameron assure quelques jours plus tard, devant le Parlement britannique, qu'il s'était rendu à Bruxelles avec l'espoir qu'un accord à vingt-sept y serait trouvé mais qu'il était de son devoir de demander des garanties pour son pays. "Nous sommes dans l'Union européenne et nous voulons y rester", assure-t-il alors, notamment pour rassurer son vice-premier ministre, le libéral Nick Clegg, qui a pris ses distances avec cette décision britannique. L'opinion publique, elle, soutient à 57 % le veto de David Cameron, d'après un sondage publié le 12 décembre 2011 par le quotidien The Times.

  • 2013, un veto sur le budget de l'UE ?

Le prochain accroc entre Londres et ses partenaires européens pourrait bien se dérouler sur le front du budget de l'UE pour la période 2014-2020. En cette période de marasme économique, le Royaume-Uni exige une réduction drastique du budget européen (142,4 milliards d'euros en 2011). En octobre, David Cameron a même menacé de mettre un nouveau veto si l'accord n'était pas conforme à l'intérêt des Britanniques. Mais le Parlement lui a infligé un camouflet le 31 octobre en rejetant sa proposition de gel du budget européen pour l'inciter à obtenir une réduction.

L'annonce d'un référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l'UE est également un moyen supplémentaire de mettre la pression sur ses partenaires européens avant le sommet des 7 et 8 février, où le budget sera au cœur des discussions.


Le Monde.fr  du  23.01.2013 par Alexandre Pouchard

 
 
 
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