dimanche 27 janvier 2013

Au revoir les enfants


 

Hiver 1943, dans un pensionnat catholique de la banlieue parisienne.
Fils d’une famille bourgeoise de Lille, Julien Quentin est un des meilleurs élèves de sa classe. Arrivent trois nouveaux qui suscitent la curiosité. Bonnet, qui devient son nouveau voisin de dortoir intrigue Julien : intelligent, doué en musique, c’est un enfant différent et secret. Julien voit d’abord en lui un rival, mais les deux enfants finissent par devenir amis.
 
 L’affiche montre les deux personnages principaux du film
Y voyez-vous des indices sur l’époque à laquelle se passe le film ?
Que vous inspirent ces deux visages d’enfant ? Imaginez un lien entre cette photo et le titre du film !Quel genre d’histoire pourrait raconter ce film ?
Quelle est la signification exacte de l’expression « Au revoir »? Quand l'emploie-t-on ? Qu’est-ce que cela suppose ?

 
Le monde de Julien et celui de Joseph



 
Quelles oppositions voyez-vous entre la vie de Joseph au pensionnat dans lequel il travaille et la vie de Julien à l’extérieur de l’école, chez ses parents ?

Extrait de dialogues du film

La scène se passe dans un restaurant élégant. Madame Quentin, accompagnée de ses deux fils Julien et François, a invité Bonnet à se joindre à eux.


Mme Quentin : Qu’est-ce que vous avez comme poisson ?

Le maître d’hôtel : Il y a longtemps que nous n’avons pas eu de poisson, Madame. Je vous recommande le lapin chasseur. Un demi-ticket de viande par portion.
François : C’est du lapin ou du chat ?
Le maître d’hôtel : Du lapin, Monsieur. Avec des pommes rissolées.
Mme Quentin : Elles sont au beurre, vos pommes de terre ?
Le maître d’hôtel : A la margarine, Madame. Sans ticket.
Mme Quentin : Va pour le lapin chasseur. Et une bouteille de bordeaux.
Les Allemands assis à la table d’à côté parlent bruyamment. L’un deux lève son verre à l’intention de Mme Quentin.
Mme Quentin : Il y a de la verdure aujourd’hui. Je croyais qu’ils étaient tous sur le front russe.
François : Vous leur avez tapé dans l’œil.
Mme Quentin (à Bonnet) : Vos parents n’ont pas pu venir ?
Bonnet : Non, Madame.
Mme Quentin : Pauvre petit.
François : Et Papa, au fait ? Il avait dit qu’il viendrait.
Mme Quentin : Il a été empêché. Des problèmes avec l’usine.
Julien : Comme d’habitude …
Mme Quentin : Ton pauvre père a des responsabilités écrasantes en ce moment.
François : Il est toujours pétainiste ?
Mme Quentin : Personne n’est plus pétainiste !
(A Julien) Au fait, on m’a appris ce qui t’était arrivé dans la forêt. Qu’est-ce que je n’ai pas dit au Père Jean ! Ces jeux scouts sont ridicules, avec le froid qu’il fait. Dieu sait ce qui aurait pu t’arriver, mon pauvre chou. Une balle est si vite partie !
François : Ça lui forme le caractère.
Mme Quentin : C’est exactement ce que le Père Jean m’a répondu. Former le caractère ! Je vous demande un peu.
Julien (montrant Bonnet) : C’est lui qui était avec moi dans la forêt.
Mme Quentin sourit à Bonnet.
Mme Quentin : Je parie que vous êtes lyonnais. Tous les Gillet sont de Lyon et ils fabriquent tous de la soie.
Julien : Il s’appelle Bonnet, pas Gillet. Et il est de Marseille.
Mme Quentin : Bien sûr !…J’ai connu une Marie-Claire Bonnet à Marseille, une cousine des Du Perron, les huiles. C’est votre mère ?
Bonnet : Non, Madame. Ma famille n’est pas dans les huiles.
Mme Quentin : Tiens, ça m’étonne !
Julien : Le père de Bonnet est comptable.
Mme Quentin : Ah bon !
Questions :
Madame Quentin parle de verdure ; mais il ne s’agit pas de salade.
De qui veut-elle parler ? Pourquoi les appelle-t-elle ainsi ?
Elle parle aussi des « huiles ». Qu’est-ce que cela veut dire ?
Quels sont les indices qui montrent que Madame Quentin vit dans un autre monde que ses enfants ? Sur quels points a-t-elle des difficultés à les comprendre ?
Qu’est-ce qui peut rapprocher Julien et Bonnet ? Qu’est-ce qui les sépare dans cette scène ?
Qu’est-ce qui différencie le père de Julien et de François du Père Jean ?
 
Les réactions des Français face à l’ennemi

Après la défaite de juin 1940, le Maréchal Pétain a signé l'armistice avec l' Allemagne nazie d'Hitler et l'Italie fasciste de Mussolini. Pétain devient chef de l'Etat français et instaure sous la devise "Travail, famille, patrie" le Régime de Vichy. A partir de 1942, le régime de Vichy collabore avec le régime hitlérien et "livre" aux nazis, souvent sur dénonciation, des Juifs qui ont trouvé refuge en France. Il y a eu aussi en France des camps de concentration (par exemple à Drancy en région parisienne ou au Struthof en Alsace).

Ceci explique pourquoi on ne voit pas uniquement des uniformes allemands dans le film. Après le renvoi de Joseph de l’institution, on le voit discuter avec des "collaborateurs", des Français qui ont un uniforme qui n’est pas celui de soldats français. Il s’agit de la Milice de Vichy . Cette organisation était issue du service d’ordre de la Légion française des combattants. Ses formations militarisées, créées le 30 novembre 1943, ont collaboré avec les troupes allemandes d’occupation aux actions menées contre la Résistance française, notamment dans le Vercors en 1944. Le film montre des gens qui ont des attitudes différenciées : il y a ceux qui collaborent avec les nazis et ceux qui résistent. Et puis il y a aussi ceux qui évitent de se prononcer très clairement.
Retrouvez des personnages pouvant appartenir à ces trois catégories !
D' après vous, pourquoi est-ce que les gens ont adopté telle attitude plutôt
que telle autre ?

Certains collaborateurs ont agi par conviction politique (par exemple, les admirateurs de Pétain, les fascistes, les anticommunistes ou les antisémites). D’autres ont agi par intérêt (par opportunisme) en profitant de la situation pour pouvoir s’enrichir. Des patrons d’entreprises françaises ont accepté de mettre leurs outils de production au service de l’Allemagne nazie, en particulier pour fabriquer des armes, des véhicules… Des petits commerçants se sont aussi enrichis pendant l’Occupation. Ils ont réservé leurs meilleurs produits aux Allemands. En échange, ces derniers ont fermé les yeux sur le marché noir qu’ils pratiquaient. Profitant du rationnement, les commerçants doublaient ou triplaient les prix des marchandises, surtout des denrées alimentaires dont tout le monde avait besoin (pain, lait, huile, pommes de terre…), produits que l'on pouvait obtenir sur présentation de tickets de rationnement, mais en quantité bien souvent insuffisante. A la fin de 1940, après la mise en place d’un statut juif, la collaboration devient plus active. Certains n’hésitent pas à dénoncer voisins ou collègues de travail par conviction politique (parce qu’ils sont juifs ou soupçonnés d’être résistants, communistes ou anti-allemands). D’autres le font par intérêt (primes à la dénonciation, récupération d’objets, d’un appartement appartenant à la personne dénoncée), par jalousie, vengeance personnelle etc ...
Situez Joseph par rapport aux catégories décrites ci-dessus ! Quels sont ses raisons?
Comment situez-vous le Père Jean ?
Comment situez-vous Julien ? Que fait-il pour protéger Bonnet ? N’est-ce pourtant pas à cause de lui que Bonnet a été découvert ? Comment expliquezvous son geste ? Que pouvait-il signifier ?


France occupée : le choix des personnages
 

 
La genèse du film : une autobiographie

Louis Malle a vécu cette histoire qui a longuement occupé son esprit. Julien représente Louis Malle enfant mais son film n’est pas un documentaire, c'est une fiction faite des souvenirs qu'il a de son histoire vécue, à laquelle il a rajouté des éléments et anecdotes récupérés ailleurs, et des éléments purement fictionnels.

La réalité vécue, celle du souvenir ne correspond pas exactement à la vérité historique. Entrent en compte les émotions, les sentiments comme le précise la phrase sur la couverture du scénario : « Ce récit est inspiré par des souvenirs vécus, mais les personnages et beaucoup d’événements sont inventés »
Dans son film, le réalisateur a compressé le temps par rapport à la réalité. Le film commence après les vacances de Noël 1944 pour s’achever le 15 janvier soit une quinzaine de jours après. L’histoire contée dans le film a en fait duré 3 mois et non 15 jours
Dans les faits réels, le jeune Jean Bonnet s'appelait Hans-Helmut Michel (6 novembre 1930, 6 février 1944) et il est resté environ un an dans le collège d'Avon avant d'être arrêté et déporté. Il est en fait arrivé dans cet internat quelques mois avant Louis Malle et son frère Bernard.
Le Père Jean du film a lui aussi existé et s'appelait Père Jacques (29 janvier 1900, 2 juin 1945). Pour avoir caché les trois enfants juifs dans le collège d'Avon il fut aussi déporté à Mauthausen.
A travers son expérience personnelle, Louis Malle veut témoigner : comment l’Histoire est vécue par un individu, comment elle peut le traumatiser et changer sa vie.
« Pendant longtemps, j'ai purement et simplement refusé de m'y attaquer, parce que cet événement m'avait traumatisé et qu'il a eu une énorme influence sur ma vie. » Louis Malle.
Le projet de départ s'intitulait d'ailleurs My little madeleine (en référence à la madeleine de Proust) avant de s'intituler Le nouveau puis finalement Au revoir les enfants dernières paroles prononcées par le Père jean avant d’être emmené par la gestapo.
De façon générale, l'amitié approfondie entre Julien et Jean est purement fictionnelle. Le jeune Malle n'a pas réellement développé d'amitié avec le vrai Bonnet (il déclarera dans plusieurs interviews que c'est ce regret qui a motivé le film). Le personnage de Julien corrige ce que Louis Malle n'a pas eu le temps, l'occasion ou la présence d'esprit de faire à l'époque.

Seule la voix off à la fin du film permet de savoir qu’il s’agit d’une autobiographie.


Une interview de Louis Malle
 



 



 


 

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