dimanche 30 décembre 2012

Florange : la non-rentabilité des hauts-fourneaux à nouveau contestée




Les hauts-fourneaux de Florange, pas rentables ? C'est ce qu'a toujours affirmé Lakshmi Mittal pour justifier la fermeture de ces deux installations du site mosellan d'ArcelorMittal, qui devraient être éteints fin mars 2013. "Laisser penser qu’ArcelorMittal voudrait fermer une phase liquide profitable n'a pas de sens", rappelait encore le groupe sidérurgique, dans un communiqué publié le 13 décembre.

Cette version martelée depuis des mois par ArcelorMittal et reprise à son compte par le gouvernement pour justifier l'accord signé avec M. Mittal le 30 novembre, qui exclut un plan social mais entérine la "mise sous cocon" des hauts-fourneaux, laisse sceptiques un certain nombre de professionnels.
HAUTE PERFORMANCE INDUSTRIELLE
Déjà, Pascal Faure, l'expert nommé avant l'été par le gouvernement pour étudier l'avenir de Florange, n'y croyait pas. "Si le site d'ArcelorMittal Florange souffre d'un handicap logistique pour la réception des matières premières lié à son éloignement de la mer, il compense ce désavantage par une logistique interne performante qui lui permet une haute performance industrielle à pleine charge", pouvait-on lire dans son rapport, sur lequel Arnaud Montebourg s'est appuyé pour demander une nationalisation du site.
Des documents récemment mis au jour semblent confirmer l'avis de M. Faure. Mercredi 12 décembre, Le Républicain lorrain a révélé une note interne montrant que Florange était l'un des sites européens les plus rentables du groupe, devant Liège (Belgique) et Brême (Allemagne), au coude-à-coude avec Dunkerque (Nord), pourtant considéré comme la "Rolls" de l'entreprise.
Certes, l'éloignement de la mer de la Lorraine a un coût logistique important (24 euros par tonne d'acier produit), mais ce défaut est "plus que compensé par la performance industrielle" du site, peut-on ainsi y lire.
Ce document "ne contredit en rien le constat de non-rentabilité de la phase liquide de Florange et ne prouve en rien la profitabilité de cette partie du site, car il ne prend pas en compte les coûts complets", avait aussitôt réagi ArcelorMittal, assurant qu'il s'agissait d'un "document d'étude (...) tout à fait partiel".
CONSOMMATION PLUS BASSES DE MATIÈRE PREMIÈRE
D'autres documents internes, dont Le Monde s'est procuré une copie, semblent néanmoins aller dans le même sens. Un graphique comparant l'ensemble des coûts d'exploitation de la phase liquide ("HRC Ebitda cost", pour les initiés) des sites de Florange et de Brême, sur la période allant de janvier 2010 à mai 2011, montre ainsi que le site lorrain tenait facilement la comparaison pour la production de bobines d'acier, appelées "coils à chaud", lorsque ses deux hauts-fourneaux étaient en fonctionnement
Mieux, une deuxième note énumérant les coûts de fabrication, variables et fixes, des sites de Florange et de Dunkerque pour le mois de mai 2011, montre que fabriquer de l'acier en Lorraine revient à peine plus cher que dans le Nord : la différence ne serait que de 4,2 euros par tonne d'acier !
Certes, les coûts de main-d'œuvre et de maintenance sont plus élevés à Florange qu'à Dunkerque, respectivement de 2,9 euros et de 5,3 euros par tonne. De même, les hauts-fourneaux lorrains, qui n'ont pas été rénovés depuis 1996 pour l'un et 1998 pour l'autre, alors que ceux de Dunkerque l'ont tous été depuis moins de dix ans, coûtent plus chers à faire fonctionner : ils consomment en gaz l'équivalent de 1,7 euro de plus par tonne d'acier produit et il faut 58 mégawatheures pour fabriquer une tonne d'acier à Florange contre seulement 18 à Dunkerque, ce qui implique une différence de 2,4 euros par tonne.
Mais les hauts-fourneaux lorrains sont plus performants que les nordistes : ils consomment moins de matière première et génèrent moins de rebuts. Performance que M. Faure expliquait par "une accumulation exceptionnelle de compétences et de savoir-faire , touchant à l'ensemble des métiers de la sidérurgie".
LA CFDT RÉCLAME "UNE OPÉRATION VÉRITÉ" SUR LES COMPTES
Dans un communiqué publié lundi 17 décembre en début d'après-midi, ArcelorMittal a contesté, une fois de plus, ces nouveaux chiffres, parlant “d’interprétations partielles et erronées". "Le chiffre de 4 euros par tonne (...) ne se rapporte qu'à une faible partie des coûts du processus de fabrication de l'acier et n'est, par conséquent, pas représentatif de la rentabilité de la phase liquide en Lorraine", note le groupe.
Selon le groupe, l'écart des coûts de fabrication d'une bobine d'acier entre Florange et Dunkerque aurait bien été de 44 euros par tonne en 2011, comme il le répète depuis plusieurs semaines. "Cet écart a diminué en 2012, atteignant 25 euros par tonne au deuxième trimestre, uniquement parce que Florange est désormais alimenté en brames [les poutres d'acier brut avant laminage] par le site de Dunkerque, qui est plus performant", explique-t-on dans l'entourage du sidérurgiste.
Le groupe n'a néanmoins pas souhaité commenter le document comparant les coûts d'exploitation globaux des bobines à chaud ("HRC Ebitda cost") des sites de Florange et de Brême.
"Tout ceci est la preuve que la fermeture de Florange est une décision politique et non économique", s'est indigné Edouard Martin, délégué CFDT du site, qui réclame "une opération vérité" sur les comptes de Florange. L'élu se dit d'ailleurs prêt à confier cette mission à un cabinet d'experts indépendants.










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