jeudi 6 janvier 2011

Exil et folie


Ce roman se lit aussi facilement qu'il est difficile à oublier et se révèle profondément bouleversant.


De Monsieur Linh, qui débarque dans «un pays sans odeur» (la France?) un jour de novembre au terme d'un long voyage en bateau, on sait peu de chose. Le vieil homme vient des «rivages anéantis» d'un village de rizières (au Vietnam?), la guerre lui a ravi les siens, il porte «une valise légère» et un nouveau-né dans les bras. C'est sa «petite fille», Sang diû, son trésor, une enfant étonnamment calme, jamais une larme, prompte à s'endormir dès que son grand-père lui chante une certaine chanson. C'est pour elle que Monsieur Linh a «décidé de partir à jamais», de s'arracher à tout ce qui lui était familier et cher - sa terre natale, ses odeurs, ses traditions immuables. Installé dans un dortoir avec d'autres familles d'exilés, qui raillent volontiers ses curieuses manières, l' «Oncle», comme on l'appelle, s'aventure finalement dans la ville hostile. Un jour, assis sur un banc, il fait la connaissance d'un certain Monsieur Bark, bonhomme replet et sympathique, très affecté par la mort de sa femme. Ces deux solitaires ne se comprennent pas mais ils sympathisent et se retrouvent régulièrement. Jusqu'à ce que Monsieur Linh et Sang diû soient transférés dans un «château» avec un «beau parc». Une sorte d'hospice, en réalité, d'où l'ancêtre n'a pas le droit de sortir. Il s'en échappera pourtant, en pyjama, déterminé à honorer son rendez-vous avec Monsieur Bark. Au risque de se faire renverser par une voiture... Le dénouement donne alors tout son sens, terrible, à ce beau livre sur la folie d'un homme: une folie née de la perte, du déracinement, de l'exil forcé. L'abandon, la mémoire, le regard sur l'autre habitent aussi ce troublant roman. Des thèmes que Philippe Claudel explore ici avec une intensité poignante….

(Par Delphine Peras -Lire- le 01/09/2005)



Voilà un morceau ….

Enfin, un jour de novembre, le bateau parvient à sa destination, mais le vieil homme ne veut pas en descendre. Quitter le bateau, c'est quitter vraiment ce qui le rattache encore à sa terre. Deux femmes alors le mènent avec des gestes doux vers le quai, comme s'il était malade. Il fait très froid. Le ciel est couvert. Monsieur Linh respire l'odeur du pays nouveau. Il ne sent rien. Il n'y a aucune odeur. C'est un pays sans odeur. Il serre [... ]

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