Sensuels ou élégants
pour les uns, provocateurs pour les autres, les tatouages et piercings
connaissent un succès croissant et se pratiquent jusqu’à plusieurs centaines de
milliers de fois par an. Artistes dans l’âme, les spécialistes du marquage
corporel n’ont à ce jour aucun statut professionnel reconnu, et leurs actes ne
sont encadrés d’aucune réglementation sanitaire digne de ce nom…
Un problème qui persiste et continue d’inquiéter tant les
autorités de santé, les tatoueurs/piéceurs, que leur clientèle elle-même.
Aussi vieux que l’humanité, les marquages corporels font et
feront toujours des adeptes. Si la mode passe, eux restent pour s’inscrire
résolument dans l’air du temps. Qu’il s’agisse de tatouages ou de piercings,
ces blessures de beauté s’inscrivent dans la chair, avec tout ce que cela
implique de risques pour la santé. Malgré tout, se proclamer
tatoueurs/pierceurs demeure à la portée de tous puisque aucun statut professionnel
ni réglementation sur le plan sanitaire n’ont encore vu le jour. Le point sur
une pratique en mal de légitimité.
Des pratiques à
risque
Tatouages et piercings font depuis longtemps l’objet de
controverses chez les professionnels de la santé. Et pour cause ! En
effet, ces actes peuvent être dangereux pour la santé. Le risque potentiel de
transmission bactérienne locale (staphylocoque, streptocoques, pyocyaniques)
est clairement établit. Fort heureusement, ces infections sont pour la plupart
bénignes, sauf dans de rares cas où le tatouage donnent lieu à des septicémies
généralisées et des endocardites (inflammation du muscle cardiaque). Sans oublier
les infections virales (VIH, VHC et VHB), faute d’asepsie ou encore par
transmission croisée entre le professionnel et son client. Si un seul cas de
transmission de l’hépatite C a été récemment rapporté à la suite d’un piercing
de l’oreille, le risque a été jugé suffisamment important pour exclure tout
donneur de sang qui aurait eu un piercing dans l’année précédant le don. Dans
le cas du tatouage, le risque sanitaire viendrait aussi de la composition des
encres, dont la qualité et la provenance ne sont soumises à aucune norme.
Il aura d’ailleurs fallu attendre un signalement tchèque
faisant état de l’hospitalisation pour infection osseuse suite à la
contamination par un champignon (Acremonium fungi) pour que l’Agence Française
de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (Afssaps) interdise la mise sur le
marché et l’utilisation des encres de la marque incriminée.
Imbroglio
administratif
Cette affaire est intervenue quelques jours après que la
législation française ait reconnu pour la première fois les produits de
tatouage en insérant leur définition et les dispositions prévues à leur
utilisation dans le code de la santé publique. Mais toujours rien en ce qui
concerne le statut professionnel de ces artistes (comme ils se définissent
eux-mêmes), ainsi que sur la réglementation sanitaire de ces pratiques
corporelles. Car si les médecins et autres professionnels de santé attendent
depuis plusieurs années des directives sanitaires claires et précises, les
professionnels du tatouage et du piercing eux-mêmes sont également bien
conscients des risques et de la nécessité de recourir à des pratiques plus
sûres envers leur clientèle. Selon une enquête de sécurité sanitaire menée en
2002 auprès des tatoueurs/pierceurs, par des médecins inspecteurs de la santé
publique, il subsisterait encore de graves lacunes d’hygiène chez certains
praticiens. La plupart d’entre eux sont pourtant demandeurs de plus d’informations
en matière de précautions sanitaires. Face à la démocratisation du tatouage et
à la multiplication des boutiques, le Syndicat National des Artistes Tatoueurs
a d’ailleurs décidé de prendre lui-même les choses en main en créant il y a
déjà plusieurs années un Manuel Assurance Qualité comme garantie d’un travail
de qualité, en collaboration avec des chirurgiens, médecins et dermatologues. A
noter qu’un guide des bonnes pratiques du piercings avait aussi été édité sous
la direction de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris.
Une réglementation
source de polémique
Une réglementation serait toutefois en préparation et
devrait entrer en vigueur fin 2005. Seule ombre au tableau : ces
directives sanitaires de la Direction Générale de la Santé auraient été
élaborées sans la consultation des tatoueurs/ pierceurs. "Aucun d’entre
nous n’a été convié à participer à ses discussions sous prétexte que notre
profession n’est pas légalement reconnue. Il aurait pourtant été légitime,
voire indispensable de participer à l’amélioration de la qualité sanitaire
notamment des encres pour en garantir leur innocuité" explique Sandra
Thouvenot, pierceuse et membre du Syndicat National des Artistes Tatoueurs. Si
ces professionnels pensent avoir leur mot à dire, c’est que les prochaines
règles de travail auxquelles ils ont eu accès les laissent plus que sceptiques
sur l’avenir de la profession. Certaines de ces directives obligeront par
exemple chaque tatoueur à poursuivre une formation paramédicale sur les règles
d’asepsie, suivre des règles strictes et coûteuses d’installation (déclaration
en préfecture, plusieurs salles distinctes entre chaque acte, utilisation
totale de matériel stérile y compris les sprays, pissettes, bouteilles d’alcool
et gants d’examen…). "La liste dont nous disposons n’est pas exhaustive et
nous n’avons pas droit d’accès au texte. Le problème majeur de ces directives
est qu’elles imposent un fonctionnement coûteux, inadaptées et n’auront pour
effet que la fermeture des petites boutiques, la surtaxe, en bref, une totale
sclérose de la profession en la poussant de nouveau dans la
clandestinité", assure Sandra Thouvenot. Si ces règles inquiètent les
tatoueurs, elles devraient néanmoins rassurer les usagers.
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