C'est une guerre
qui ne s'annonce par aucune explosion de bombe ou de missile, qui n'a pas fait de
victimes humaines ni, non plus pour le moment, de destruction d'entreprises
industrielles, de voies de communication ou de bâtiments. Mais pour silencieuse
et quasiment invisible qu'elle soit, cette guerre sur la Toile est une menace
considérable pour les secteurs militaires, industriels et politiques d'une
nation. Car son objectif est de violer et de voler les secrets d'un pays. Et au
besoin de désorganiser sa vie économique et sociale. Par exemple, en paralysant
la circulation aérienne, en provoquant l'arrêt d'une centrale nucléaire, en
déréglant l'approvisionnement en pétrole des raffineries... Au point que Robert
Mueller, directeur du FBI, prédit que le danger du "cybercrime"
télécommandé par la Chine sera bientôt tout aussi menaçant pour la
survie des démocraties que celui du terrorisme.
Le 19 février a
été remis au président Obama un rapport de 74 pages émanant d'une compagnie
américaine spécialisée dans la sécurité informatique, la société Mandiant. Son
travail est le fruit de six années d'enquête. Il est tellement édifiant que le
lendemain même la Maison-Blanche annonçait la mise en place accélérée d'un
dispositif de protection et de contre-mesures pour mettre fin aux incursions
des hackers chinois dans de multiples secteurs de l'activité américaine.
Armée de voleurs
parfaitement encadrée
La liste des
cibles visitées et dont les réseaux ont parfois été "infectés" par un
virus volontairement introduit constitue un véritable inventaire à la Prévert :
la chambre de commerce américaine, Google, des industriels travaillant pour la
défense, Amnesty International, le gouvernement tibétain en exil, le
Pentagone, le New York Times, la Federal Reserve, les compagnies gérant
les pipelines acheminant le gaz et le pétrole et même la Commission européenne
à Bruxelles. La liste est interminable. L'un des hackers les plus actifs a
réussi à pénétrer dans le réseau de la Maison-Blanche et, en guise de pied de
nez, à y laisser un drapeau chinois !
Mais, qu'on ne s'y
trompe pas, il ne s'agit pas de gamineries, même si les hackers ont des pseudos
du style "affreux gorille" ou "aigle noir" : le rapport
Mandiant révèle que ces centaines de snipers de la Toile sont coordonnés par l'unité
61398 de l'armée populaire chinoise. Son quartier général, d'après le rapport,
se trouve dans un immeuble de douze étages à Shanghai. C'est une armée de
voleurs parfaitement encadrée, organisée et dont les missions sont définies par
le haut commandement chinois. Lequel a, bien sûr, immédiatement démenti :
"La Chine s'oppose fermement au piratage, d'autant qu'elle en est souvent
la victime." Cela n'est pas faux. Les Américains ont, depuis plusieurs
années, multiplié les moyens d'écoutes électroniques et ne sont pas complètement
innocents en matière de cyberespionnage, même si, jusqu'à présent, ils semblent
plutôt se préoccuper de protéger leurs secrets industriels et militaires que
d'aller piller chez les autres ce qu'ils savent déjà.
On a tout de même
envie de dire "halte au feu". Avant que cette nouvelle forme de
guerre ne prenne un tour plus dangereux, il ne serait peut-être pas inutile de
profiter de l'arrivée au pouvoir d'un nouveau dirigeant chinois, pour conclure,
comme on l'a fait pour le nucléaire du temps de la guerre froide, des accords
pour contenir une course au piratage qui ne peut qu'aggraver des tensions déjà
créées par la montée en puissance de la Chine.
MICHEL COLOMÈS- Le
Point.fr - du 23/02/2013
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