En 2015,
tous les lieux recevant du public devront être accessibles aux handicapés.
L'affaire EasyJet montre que l'objectif ne sera pas atteint.
Dominique
Baudis, Défenseur des droits, se réjouissait mardi de la décision de la cour
d'appel de Paris de condamner la compagnie aérienne EasyJet pour discrimination.
"Une étape essentielle en matière de respect des droits des personnes
handicapées a été franchie", affirmait-il. Pour Le Point.fr, il revient
sur la situation, en 2013, des handicapés en France.
Le Point.fr :EasyJet a été condamnée pour avoir refusé
l'embarquement d'une personne, au motif que les handicapés ne sont pas
autorisés à voyager seuls. L'accessibilité est-elle encore un problème de nos
jours ?
Défenseur des droits :
L'accessibilité est un droit des personnes handicapées consacré par la justice.
C'est essentiel pour qu'elles puissent vivre pleinement leur vie. D'autres
décisions concernant les compagnies aériennes sont en attente. Il y a notamment
le cas de cette compagnie qui a refusé, à Marseille, d'embarquer une vingtaine
de personnes sourdes et malentendantes. Ces gens étaient pourtant accompagnés
d'un traducteur. Ils ne posent pas plus de problèmes qu'une personne ne parlant
pas notre langue. Mais l'argument est toujours le même : c'est contraire aux
règles de sécurité.
L'accès au
logement est également problématique. L'allocation adulte handicapé (AAH)
n'étant pas saisissable, il est arrivé que la location soit refusée pour ce
motif. Pourtant, il y a d'autres aides, comme les pensions alimentaires, qui ne
sont pas saisissables non plus. Nous avions la certitude que c'était une
politique de réseau menée par un groupe d'agences immobilières. Nous avons, en
effet, reçu plusieurs plaintes de régions différentes. Nous avons trouvé un
règlement amiable avec ce groupe que nous avons fait suivre aux autres agences
immobilières. Il y a également eu le cas, très médiatisé, de cette avocate qui
ne pouvait pas accéder au palais de justice. L'État a été condamné. En clair,
soit l'accès est refusé pour de prétendues raisons de sécurité, soit
l'accessibilité n'est même pas prévue.
Si l'on en croit la loi, la situation doit bientôt évoluer. En
2015, tous les lieux destinés à recevoir du public sont censés pouvoir
accueillir les personnes handicapées, non ?
Oui, la loi
de 2005 prévoit une échéance en 2015. Mais la France est très loin de remplir
ses objectifs. Huit ans se sont écoulés et seulement 20 % des travaux
nécessaires ont été réalisés. Aucun palier ou étape obligatoire n'a été prévu.
Lorsque la loi a été votée, c'était "rendez-vous en 2015, tout sera
fait". Il faut tirer la sonnette d'alarme. C'est pourquoi chaque affaire,
comme celle d'EasyJet, permet d'alerter les pouvoirs publics sur la situation.
Dans deux ans et demi, il va y avoir de très nombreux contentieux. Récemment,
il y a eu une réclamation d'une personne qui n'a pas pu accéder à la salle de
cinéma où était diffusé le film qu'elle voulait voir. Le cinéma nous a rétorqué
que si la salle n'était pas accessible on aurait mis la personne en danger en
l'y installant. Dans deux ans, cet argument ne sera plus recevable. Pour les
établissements nouveaux, ce n'est pas un problème. On construit en tenant compte
des nouvelles lois. Mais pour la mise aux normes des bâtiments anciens, on
continue de prendre du retard. Certains décrets d'application de la loi de 2005
n'ont toujours pas été publiés. C'est le cas de la mise aux normes des locaux
de travail, des établissements pénitentiaires ou encore des installations
sportives. Il faut de plus améliorer l'accessibilité aux locaux scolaires, pour
que le plus de handicapés possible soient scolarisés en milieu ordinaire.
Un point positif, tout de même : d'après votre observatoire des
discriminations, les handicapés semblent être mieux acceptés sur leur lieu de
travail. En 2011, dans le secteur privé, les salariés estimaient que, dans 10 %
des cas, les discriminations étaient liées au handicap. Contre seulement 5 % en
2012.
Oui, cela
témoigne peut-être d'une évolution de la société. Les travailleurs n'ont pas
d'handiphobie, ou en tout cas sont peu nombreux à en avoir. Mais
l'accessibilité à l'emploi reste un problème pour les personnes handicapées. Il
faut aussi avoir conscience que, souvent, le handicap intervient alors que la
personne est déjà en place. Les entreprises ont alors l'obligation de procéder,
dans la mesure du possible, à des aménagements de poste. Les trois grandes
catégories de personnes qui sont victimes de discriminations au travail sont
les étrangers, les handicapés et les mères qui s'absentent durant leur
grossesse. Mais en pratique, ces discriminations ont des répercussions
différentes. Les mères connaissent un retour à l'emploi souvent difficile après
leur congé maternité. Les étrangers, eux, peinent à accéder à un travail. Pour
les handicapés, l'accès à l'emploi est difficile, mais en plus, le déroulement
de leur carrière est problématique.
Le Point.fr
- Publié le 07/02/2013 . Propos recueillis par Marc Leplongeon
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