jeudi 7 février 2013

Handicap : le Défenseur des droits tire "la sonnette d'alarme"





En 2015, tous les lieux recevant du public devront être accessibles aux handicapés. L'affaire EasyJet montre que l'objectif ne sera pas atteint.

Dominique Baudis, Défenseur des droits, se réjouissait mardi de la décision de la cour d'appel de Paris de condamner la compagnie aérienne EasyJet pour discrimination. "Une étape essentielle en matière de respect des droits des personnes handicapées a été franchie", affirmait-il. Pour Le Point.fr, il revient sur la situation, en 2013, des handicapés en France.

Le Point.fr :EasyJet a été condamnée pour avoir refusé l'embarquement d'une personne, au motif que les handicapés ne sont pas autorisés à voyager seuls. L'accessibilité est-elle encore un problème de nos jours ?

Défenseur des droits : L'accessibilité est un droit des personnes handicapées consacré par la justice. C'est essentiel pour qu'elles puissent vivre pleinement leur vie. D'autres décisions concernant les compagnies aériennes sont en attente. Il y a notamment le cas de cette compagnie qui a refusé, à Marseille, d'embarquer une vingtaine de personnes sourdes et malentendantes. Ces gens étaient pourtant accompagnés d'un traducteur. Ils ne posent pas plus de problèmes qu'une personne ne parlant pas notre langue. Mais l'argument est toujours le même : c'est contraire aux règles de sécurité.
L'accès au logement est également problématique. L'allocation adulte handicapé (AAH) n'étant pas saisissable, il est arrivé que la location soit refusée pour ce motif. Pourtant, il y a d'autres aides, comme les pensions alimentaires, qui ne sont pas saisissables non plus. Nous avions la certitude que c'était une politique de réseau menée par un groupe d'agences immobilières. Nous avons, en effet, reçu plusieurs plaintes de régions différentes. Nous avons trouvé un règlement amiable avec ce groupe que nous avons fait suivre aux autres agences immobilières. Il y a également eu le cas, très médiatisé, de cette avocate qui ne pouvait pas accéder au palais de justice. L'État a été condamné. En clair, soit l'accès est refusé pour de prétendues raisons de sécurité, soit l'accessibilité n'est même pas prévue.

Si l'on en croit la loi, la situation doit bientôt évoluer. En 2015, tous les lieux destinés à recevoir du public sont censés pouvoir accueillir les personnes handicapées, non ?

Oui, la loi de 2005 prévoit une échéance en 2015. Mais la France est très loin de remplir ses objectifs. Huit ans se sont écoulés et seulement 20 % des travaux nécessaires ont été réalisés. Aucun palier ou étape obligatoire n'a été prévu. Lorsque la loi a été votée, c'était "rendez-vous en 2015, tout sera fait". Il faut tirer la sonnette d'alarme. C'est pourquoi chaque affaire, comme celle d'EasyJet, permet d'alerter les pouvoirs publics sur la situation. Dans deux ans et demi, il va y avoir de très nombreux contentieux. Récemment, il y a eu une réclamation d'une personne qui n'a pas pu accéder à la salle de cinéma où était diffusé le film qu'elle voulait voir. Le cinéma nous a rétorqué que si la salle n'était pas accessible on aurait mis la personne en danger en l'y installant. Dans deux ans, cet argument ne sera plus recevable. Pour les établissements nouveaux, ce n'est pas un problème. On construit en tenant compte des nouvelles lois. Mais pour la mise aux normes des bâtiments anciens, on continue de prendre du retard. Certains décrets d'application de la loi de 2005 n'ont toujours pas été publiés. C'est le cas de la mise aux normes des locaux de travail, des établissements pénitentiaires ou encore des installations sportives. Il faut de plus améliorer l'accessibilité aux locaux scolaires, pour que le plus de handicapés possible soient scolarisés en milieu ordinaire.

Un point positif, tout de même : d'après votre observatoire des discriminations, les handicapés semblent être mieux acceptés sur leur lieu de travail. En 2011, dans le secteur privé, les salariés estimaient que, dans 10 % des cas, les discriminations étaient liées au handicap. Contre seulement 5 % en 2012.

Oui, cela témoigne peut-être d'une évolution de la société. Les travailleurs n'ont pas d'handiphobie, ou en tout cas sont peu nombreux à en avoir. Mais l'accessibilité à l'emploi reste un problème pour les personnes handicapées. Il faut aussi avoir conscience que, souvent, le handicap intervient alors que la personne est déjà en place. Les entreprises ont alors l'obligation de procéder, dans la mesure du possible, à des aménagements de poste. Les trois grandes catégories de personnes qui sont victimes de discriminations au travail sont les étrangers, les handicapés et les mères qui s'absentent durant leur grossesse. Mais en pratique, ces discriminations ont des répercussions différentes. Les mères connaissent un retour à l'emploi souvent difficile après leur congé maternité. Les étrangers, eux, peinent à accéder à un travail. Pour les handicapés, l'accès à l'emploi est difficile, mais en plus, le déroulement de leur carrière est problématique.

Le Point.fr - Publié le 07/02/2013 . Propos recueillis par Marc Leplongeon
 
 

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