Selon le Dr Chevallier, une fiscalité
alimentaire incitative et la prévention peuvent changer les habitudes, au grand
bénéfice de la sécurité sociale.
Le déficit de la branche maladie de la sécurité sociale
accuse une fois de plus des pertes abyssales. Quelle est, en la matière, la
responsabilité de la malbouffe ? Le 28 mars 2013 a été publiée au journal
officiel une question du Sénateur Jean Germain,"sur les conséquences
financières de l'alimentation industrielle déséquilibrée, également appelée malbouffe :
excès de sucres, de sel, de gras, de produits chimiques...". Elle rappelle qu'"au-delà de la
souffrance humaine, la prise en charge de toutes ces pathologies représente un
coût financier qui est supporté par la collectivité et les patients".
Le coût pour la collectivité est effectivement
particulièrement exorbitant, comme l'a souligné le Pr Serge Hercberg, qui porte
le plan national Nutrition Santé, lors d'un colloque organisé par la Mutualité
française et le Réseau environnement santé à l'Assemblée nationale. Les
facteurs nutritionnels sont impliqués dans de multiples maladies : les maladies
cardiovasculaires, dont le coût en France est estimé à 28,7 milliards
d'euros par an ; les cancers, 12,8 milliards par an ; l'obésité, 4 milliards ;
le diabète, 12,5 milliards. En divisant de moitié le nombre de personnes
porteuses de ces maladies par une politique de prévention efficace, on
économiserait plusieurs dizaines de milliards d'euros, sans parler des aspects
humains, eux incalculables. Être moins malade et voir diminuer cotisations et
impôts est tout à fait envisageable !
Une taxe sur la
malbouffe ?
Mais quelles seraient les mesures efficaces à prendre ? Tout
simplement une lutte institutionnalisée contre la malbouffe et son mode de vie,
car le choix "souverain" des consommateurs est émoussé par le
matraquage publicitaire et la sophistication des outils mis en place
(conditionnement de l'attention et des besoins par des méthodes très subtiles,
le neuromarketing notamment). Soulignons à ce propos que sont utilisés des
examens radiologiques (IRM) pour analyser les réactions du cerveau à tel ou tel
produit, à des fins autres que le soin et la recherche, alors que des personnes
souffrantes restent, elles, en attente.
Au-delà des aspects éthiques, une question doit être posée à
ce stade : une taxe sur la malbouffe de type "pollueur-payeur"
serait-elle efficace ? "La fiscalité contribue à changer de manière
incrémentale les comportements alimentaires produisant in fine des
effets cumulatifs sur les habitudes", a souligné Fabrice Etilé, économiste
à l'Inra, lors d'un colloque organisé le 18 décembre dernier par le Fonds
français pour l'alimentation et la santé (FFAS) : "Comportement
alimentaire : les leviers du changement".
Les
produits bio accessibles
Une taxe peut être surtout un outil très efficace pour faire
évoluer l'offre alimentaire. Elle doit être réellement élevée et assise sur une
large gamme de produits industriels nutritionnellement inutiles (sodas...) ;
parallèlement, il est indispensable que les produits nutritionnellement utiles
soient moins onéreux avec une fiscalité allégée, notamment les produits bio.
Actuellement, c'est l'inverse : plus la densité calorique est forte (gras,
sucre..., dans des saucisses, chips, gâteaux et biscuits industriels et autres
produits bourrés d'additifs et autres composés chimiques), moins le prix est
élevé !
Il convient donc, par une fiscalité adaptée, incitative, de
mettre en place de façon urgente des mécanismes régulateurs de l'offre
alimentaire. En effet, une "fiscalité alimentaire" bien comprise ne
doit pas chercher à remplir directement les caisses de l'État, mais bien à
faire diminuer les prix des aliments nutritionnellement nécessaires et
dépollués (qui deviendraient ainsi accessibles à tous). Elle réduirait ainsi le
nombre de personnes atteintes de maladies chroniques liées peu ou prou à la
malbouffe. Individuellement et collectivement, les bénéfices en seraient, à
n'en pas douter, gigantesques.
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