S'il n'y a pas de chiffre officiel, tous les témoignages
convergent pour dire que de plus en plus de hauts cadres et de jeunes créateurs
d'entreprises quittent en masse la France pour fuir une pression fiscale
excessive.
Pas
de trêve des confiseurs sur l'exil fiscal. Le ton est même monté d'un cran
vendredi lorsque, sur Europe 1, Laurence
Parisot, la présidente du Medef,
a évoqué un «climat de guerre civile, qui s'apparente à 1789». François
Hollande a bien tenté de calmer le jeu en refusant de prendre part à la
polémique - «aucun citoyen ne peut être stigmatisé par le président de la
République», a-t-il déclaré - mais sa mise au point est passée presque
inaperçue.
«Être
stigmatisé? C'est l'impression qu'ont mes clients aisés depuis des mois»,
rétorque un avocat. Alourdissement de l'ISF, taxe à 75% pour les revenus
dépassant un million d'euros, tranche à 45%, imposition accrue des plus-values:
les ménages les plus aisés sont assommés par une pluie de taxes depuis
l'élection de François Hollande. Et
se rebellent en s'exilant à l'étranger.
Si
les statistiques officielles font défaut - on comptait 717 départs de
redevables à l'ISF en 2010 -, les témoignages de fiscalistes concordent sur une
vague sans précédent de fuites à l'étranger. «J'ai traité 15 dossiers d'exil
fiscal en 2012, contre 5 en 2011. Certaines personnes m'ont même demandé
comment abandonner la nationalité française, ce qui est inédit», confie l'un
d'eux. Chez un autre,les consultations ont été multipliées par dix en un an,
les départs effectifs par cinq. «Mes clients ont très mal réagi à la
contribution exceptionnelle d'ISF payée à l'automne. Cela a déclenché des
réactions épidermiques», témoigne Alain Moreau, avocat associé chez FBT. «Des
familles sont parties à la Toussaint, en pleine année scolaire, ce qui ne se
faisait jamais auparavant», confirme Valérie Harnois-Mussard, son homologue
chez Fidal.
Des candidats au départ plus jeunes
Un
mouvement confirmé par… des déménageurs. «Après le traditionnel pic de l'été,
les flux restent 2 à 3 fois supérieurs à la normale. Nos camions partent sans
discontinuer vers la Suisse,
la Belgique et la Grande-Bretagne», témoigne le patron d'une entreprise de
déménagement, dont le chiffre d'affaires a explosé de 15% en 2012.
Le
profil des exilés a changé. Il ne s'agit plus de riches héritiers ou de
quinquagénaires ayant vendu leur société. «Des jeunes entrepreneurs de 30 ans,
sans enfants et très mobiles, préfèrent s'installer dans un autre pays pour y
monter leur société», précise Valérie Harnois-Mussard. «Je ne peux pas rester
dans un pays qui n'encourage pas les entrepreneurs», témoigne l'un d'eux. Autre
cas nouveau: le haut cadre d'entreprise, âgé de 40 à 55 ans et avec enfants.
«Ces managers qui voyagent beaucoup délocalisent leur foyer à Bruxelles ou à
Londres s'ils sont dans la finance. Ils quittent la France pour échapper à la
tranche d'impôt sur le revenu de 45% instaurée par le PS et à laquelle
s'ajoutent la surtaxe Fillon de 3% à 4% et la CSG-CRDS. Voire, pour certains,
pour éviter l'ISF et la taxe à 75%», explique Corinne Dadi, avocat associé chez
Stehlin & Associés.
Ce
sont enfin parfois aussi des pans entiers de compétences qui partent. Sans
faire de bruit et avec des conséquences substantielles pour l'économie
française.«De plus en plus de groupes internationaux réfléchissent à des moyens
différents de s'organiser, notamment en délocalisant de manière progressive une
partie de leurs équipes à l'étranger, avoue le responsable d'une importante
fédération professionnelle du Medef qui tient à rester anonyme, vu la
sensibilité du sujet. Les réorganisations touchent de plus en plus des
fonctions secondaires, comme les ressources humaines ou la finance. C'est
beaucoup moins visible et symbolique que de délocaliser le siège social.» Mais
bien plus dramatique à terme…
C. Crouzel – lefigaro.fr 21/12/2012
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